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30 août 2010

Broderies

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A l'heure où le gouvernement iranien veut lapider une femme, je me suis replongée dans cette BD  de Marjane Satrapi qui date de 2003.

Je ne peux que vous la conseiller à toutes et à tous. J'aime son langage sans fioriture, le franc-parler de ces femmes, qui, après le déjeuner, alors que les hommes vont faire la sieste, autour d'un thé cuit au samovar - et non infusé -, se lancent dans ce qu'elles appellent une "longue ventilation du coeur".

J'aime leur optimisme devant leur condition et la manière dont elles rient de l'absurdité et de l'hypocrisie des coutumes de leur pays tout à l'honneur de hommes au détriment des femmes : le mariage arrangé, la virginité vraie ou refaite, la chirurgie esthétique. Mais aussi les tours de magie pour tenter de conjurer le sort, l'homosexualité, l'attrait pour la culture occidentale, etc. Beaucoup de fraîcheur, d'humour et aucun tabous chez elles.

Petits extraits en texte et en images :

"Et pourquoi c'est les femmes qui doivent être vierges? Pourquoi souffrir le martyr pour satisfaire un connard? Car l'homme qui demande "la virginié" à une femme n'est autre qu'un connard!"

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25 août 2010

Compartiment pour dames

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4e de couverture : "Un jour, Akhila décide de partir vers l'extrémité sud de l'Inde, là où se rencontrent l'océan Indien, la baie du Bengale et la mer d'Arabie, pour faire le point sur une vie qu'elle a l'impression de n'avoir pas vécue. Dans le train qui la conduit à destination, elle fait la connaissance de ses compagnes de voyage, avec lesquelles elle va partager toute une nuit l'intimité d'un compartiment pour dames. A travers leurs confidences Akhila cherche la réponse aux questions qu'elle se pose : une femme a-t-elle vraiment besoin d'un homme pour être heureuse, pour se sentir épanouie ? Comment trouver en soi la force de vivre la vie qu'on a choisie, de redevenir maîtresse de son destin ?
Nul doute que, pour l'auteur, les cloisonnements de la société indienne ressemblent à s'y méprendre à ceux d'un train: "un compartiment y est en permanence réservé aux femmes; il peut se révéler confortable, à condition qu'elles n'en sortent pas".(Michel Grisolia, l'Express)".

Je referme ce livre mais je suis toujours en Inde, avec toutes les femmes croisées dans ce roman, avec leurs luttes pour se faire respecter des hommes et de la société indienne si conservatrice envers elles. Soit belle ma fille/ma femme mais tais-toi.Les divers personnages qui racontent leur vie à Akhila dans le wagon d'un train sont d'âge différents et parfois de milieu social différent, mais toutes ont vécu la même chose : l'humiliation (consciente ou non) de la part des hommes et de la société indienne.
Toutes racontent leur parcours, leurs stratagèmes pour exister en tant qu'être humain à part entière. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, elles ne sont pas forcément cloîtrées à la maison. Certaines ont un travail et ont fait des études supérieures, comme Margaret, la reine de la chimie devenue enseignante; Akhila,45 ans,  est fonctionnaire et c'est elle qui subvient aux besoins de sa famille, même après le décès de ses parents. Alors qu'elle rêve d'avoir son appartement pour elle toute seule, sa soeur et le mari de celle-ci joue "l'incruste" sous des prétextes discutables. Jusqu'au jour où Akhila se révolte et décide de vivre pour elle-même et non comme les autres voudraient qu'elle soit.
On a aussi un petit aperçu des préjugés des Indiens sur les Européens. C'est assez drôle.

Anita Nair raconte, avec beaucoup de délicatesse, ce qui se trame derrière les saris colorés et les odeurs épicées de l'Inde contemporaine, dans un roman dense où s'emboîtent plusieurs récits. J'ai aimé son analyse fine des différentes personnalités féminines du roman et la note d'espoir qu'elle insuffle. En effet, tout le roman est porté par un vent de liberté qui lui donne beaucoup de charme.

Une première expérience avec la littérature indienne il y a quelques années m'avait laissée perplexe et pas franchement convaincue. Ici, Anita Nair m'a réconciliée avec la littérature de son pays et m'invite à aller plus loin dans la découverte d'un pays qui m'effraie encore.

23 août 2010

Mon traitre

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4e de couverture : "Il trahissait depuis près de vingt ans. L'Irlande qu'il aimait tant, sa lutte, ses parents, ses enfants, ses camarades, ses amis, moi. Il nous avait trahis. Chaque matin. Chaque soir..." Sorj Chalandon

C'est la 4e de couverture qui m'a intriguée et le fait que ce roman sur l'Irlande du Nord, soit écrit par un Français  (déduction faite grâce à la photo de l'édition de poche). Ca ne pouvait qu'être intéressant à mes yeux.

J'ignorais totalement qui est Sorj Chalandon (pardon!): un journaliste ayant couvert nombre de reportages sur l'Irlande du Nord (prix Albert-Londre 1988).

J'ignorais également que ce roman est autobiogaphique : l'auteur a changé le nom des protagonistes mais a réellement vécu cette histoire d'amitié avec un membre de l'IRA et cette découverte de l'Irlande.

Dans ce récit, Sorj se prénome Antoine, luthier à Paris : "J'ai rencontré la République Irlandaise à Paris un matin de novembre 1974" grâce à un Breton. L'Irlande d'Antoine à cette époque est celle du Taxi mauve, de l'Homme tranquille, les "pulls blancs torsadés", l'Eire où il s'est déjà rendu 3 fois. Le Breton lui dit que s'il n'a jamais mis les pieds en Irlande du Nord, alors il ne connait pas l'Irlande! Et tout part de là, parce que cette phrase le vexe  (je le comprends, même si ce que dit le Breton est parfaitement vrai !).

Antoine part donc à la découverte du Nord et c'est la révélation, le coup de foudre pour les Irlandais et leur combat, la découverte de leur histoire et de leur calvaire sous ces années thatcheriennes. Il met sa vie française entre parenthèses, perd ses amis de l'Hexagone qui ne comprennent pas son comportement envers un pays qui n'est pas le sien.

Il s'y fait rapidement des amis, jusqu'au jour où il rencontre Tyron Meehan, celui qui deviendra son "traitre".Tyron Meehan est dans la réalité Denis Donaldson, membre de l'IRA...

Je n'en dis pas plus sur ce magnifique roman sur l'amitié, la solidarité, l'engagement, la confiance aveugle. Mais aussi sur la trahison, et la perpétuelle interrogation qu'elle engendre : pourquoi? Un roman qui vous prend aux tripes.

Partageant ma vie avec l'Irlande, j'ai reconnu beaucoup de sentiments éprouvés par Antoine, beaucoup de petites choses so irish quand on est français : les prononciations à l'irlandaise si difficile pour une oreille francophone, être désigné(e) comme "le/la Française", la froggie, la frenchy, la fascination pour l'Histoire si tragique de l'île, sa découverte par la littérature et la musique entre autres. Le choc culturel aussi (qui est plus important qu'il n'y paraît). Et le fait que donc, malgré tout ça, on reste une étrangère, malgré l'assimilation - du moins en partie- de cette culture qui fascine.

Un livre qui reste dans mon esprit, presqu'un an après sa lecture. Un vrai coup de coeur.

Sorj Chalandon va écrire une suite du Traitre, du point de vue du traitre cette fois-ci. Exercice périlleux.

EDIT DU 29/08 :

Et pour en savoir plus sur le roman, lire l'interview ici (et le commentaire de Sorj a laissé sur ce blog)

20 août 2010

Prodigieuses créatures

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4e de couverture : "La foudre m'a frappée toute ma vie. Mais une seule fois pour de vrai" Dans les années 1810, à Lyme Regis, sur la côte du Dorset battue par les vents, Mary Anning découvre ses premiers fossiles et se passionne pour ces "prodigieuses créatures" dont l'existence remet en question toutes les théories sur la création du monde. Très vite, la jeune fille issue d'un milieu modeste se heurte aux préjugés de la communauté scientifique, exclusivement composée d'hommes, qui la cantonne dans un rôle de figuration. Mary Anning trouve heureusement en Elizabeth Philpot une alliée inattendue. Celte vieille fille intelligente et acerbe, fascinée par les fossiles, l'accompagne dans ses explorations. Si leur amitié se double peu à peu d'une rivalité, elle reste, face à l'hostilité générale, leur meilleure arme. Avec une finesse qui rappelle fane Austen, Tracy Chevalier raconte, dans Prodigieuses Créatures, l'histoire d'une femme qui, bravant sa condition et sa classe sociale, fait l'une des plus grandes découvertes du XIXe siècle."

A vrai dire, je ne m'attendais pas du tout à un tel récit. Je n'imaginais pas que les deux héroïnes étaient ce qu'elles étaient, à savoir une vieille fille bourgeoise (Elizabeth Philpot) et une paysanne (Mary Anning). En fait, je m'attendais à être directement en contact avec des femmes scientifiques, à être plongée dans le monde de la science. Que Nenni !

L'immense mérite de ce roman est de faire connaître la condition - scientifique - des femmes au début du XIXe siècle. Dans un monde d'hommes, elles voient leurs découvertes réappropriées par ces derniers. Mary et Elizabeth devront, plus d'une fois monter au créneau pour qu'une certaine vérité soit rétablie. C'est d'autant plus difficile pour Mary qu'elle est issue d'un milieu très modeste et habite dans un village perdu bien différent de l'univers londonien. Cependant, au fil du temps, elle arrivera à se faire connaître et à être reconnue.

Ce roman est aussi une histoire d'amitié entre deux femmes que vingt ans d'âge séparent et un milieu social. Une amitié plus forte que tout, même si ce n'est pas un long fleuve tranquille...

J'ai vraiment été happée par le récit dès les premières pages. Le lecteur se retrouve aux côtés de Mary et Elizabeth sur la plage par tous les temps, à fouiller le sable, la glaise et les rochers. C'est incroyable. Un récit prenant donc.
Cependant, j'ai fini par m'ennuyer un petit peu au bout d'un moment. Et j'ai trouvé quelques faits invraisemblables (surtout au début), comme le fait que l'un des éboulements de la falaise, qui a anéanti l'espoir de Mary de dégager son premier "croco", se trouve miraculeusement balayé par une tempête...

Ce livre n'est donc pas un coup de coeur mais un roman que j'ai bien aimé malgré tout, bien écrit et bien documenté.

Voir aussi l'avis de Lou et de Lilly

18 août 2010

Ma vie est tout à fait fascinante

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Franchement, j'ai rigolé toute la soirée avec ce petit livre...
Quelques extraits :

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Du coup, j'ai acheté le volume 1 de Joséphine...

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13 août 2010

Emmeline

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4e de couverture : "Nous sommes à Londres, dans les années trente. Emmeline, vingt-cinq ans, est responsable d'une agence de voyages et partage son toit avec la veuve de son frère, Cecilia. Si tontes deux sont. jeunes, jolies et célibataires, leurs caractères sont aux antipodes : l'indépendante et romanesque Cecilia fascine la timide Emmeline. Leur recherche de l'amour va naturellement les conduire sur des chemins opposés. Tandis que Cecilia se lance avec habileté à la conquête d'un héritier, Emmeline, sous l'influence de sa belle-sœur et de sa vipère de tante, tombe dans les filets d'un égoïste quadragénaire... Face au Mal, l'Innocence dispose-t-elle d'un autre recours que la Vengeance ? "

Elizabeth Bowen offre avec Emmeline (titre VO : To the North) écrit en 1932, un roman so british. Un univers feutré mais où tous les coups bas sont permis pour obliger les réfractaires à rester dans les rails. J'ai détesté la tante Lady Waters ("Georgina, pour les intimes), la commère qui ferait bien de s'occuper de ses oignons. Je n'ai pas davantage apprécié Markie,  qui n'a pas vraiment le courage de ses opinions. J'ai trouvé que Cecilia était plus perfide et plus influençable qu'elle n'en avait l'air. Et qu'en fin de compte, la vraie femme forte dans cette histoire c'est bien Emmeline. Une vraie femme en avance sur son temps, à la tête d'une agence de voyage, qui se frotte au monde des affaires et du travail. A côté d'elles, Cecilia et Lady Waters paraissent d'un autre temps, la seule chose qui leur importe, c'est le mariage et surtout le "qu'en dira-t-on" ...

Le récit s'échappe parfois hors du salon pour donner à voir au lecteur un tout petit peu du monde extérieur. J'ai bien aimé l'épisode de la révolte de la secrétaire à l'agence,  qui, débordée de travail et en mal de reconnaissance, n'hésite pas à critiquer ses employeurs et à balancer à Emmeline : "Ce qu'il y a, c'est simplement que je suis humaine (...) si on mourait sur sa chaise ou si on s'évanouissait, simplement il se pourrait bien que vous le remarquiez! " Et les taxis parisiens, à cette époque déjà, avait la réputation de mal conduire, c'est ce que témoigne le voyage d'Emmeline et de Markie dans la capitale... Un cliché qui m'a fait sourire, un petit coup de dent britannique envers les froggies...

Elizabeth Bowen joue à merveille avec ses personnages et les apparences au fil du roman, ce qui invite le lecteur à s'interroger sur leur nature réelle. Le tout dans style fluide et poétique. J'ai regretté la fin tragique de l'histoire mais elle démontre à quel point les femmes étaient encore prisonnières des carcans d'une certaine société, en ce début de XXe siècle...

C'est le premier roman que je lis de cette Irlandaise, après avoir découvert sa mini-autobiographie il y a peu, avec Sept hivers à Dublin. J'ai déjà programmé d'en lire un autre d'elle, Dernier Automne, antérieur à Emmeline, qui évoque la vie des Anglo-irlandais au début des troubles en Irlande dans les années 20. Affaire à suivre donc et écrivaine à redécouvrir, c'est sûr !

11 août 2010

La bicyclette de la violence

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4e de couverture : "Le jeune Miller boit trop. Il est gros et moche comme les sept péchés capitaux et ses proches sont tous morts plus bêtement les uns que les autres lors des deux dernières années. Aussi, lorsque son journal le mute pour raisons disciplinaires dans la banlieue la plus dure de Belfast ça ne lui fait ni chaud ni froid. Miller déteste de toute façon cette ville, les gens, les meurtres et les alertes à la bombe. Mais il reste un excellent journaliste ; le fouille-merde par excellence ; celui dont les questions vont réveiller les morts..."

Franchement, si vous voulez passer un bon moment avec un livre qui ne donne pas mal à la tête tout en étant très bien fait, je ne peux que vous conseiller de choisir celui-ci. D'abord, c'est absolument hilarant. Miller, journaliste de son état, qui se déplace sur un vélo (la bicyclette de la violence) pour faire ses reportages, est nettement moins bête qu'il en a l'air et c'est un crème, mais vraiment un crème de gars. Mais attention, si on le cherche, on le trouve ! Et celle qui le trouve, c'est la toute aussi déjantée et paumée Marie. Ce livre raconte leur histoire d'amour avec pour lieu d'action le blède glauque de Crossmaheart, 60 km de Belfast, où le rédac chef a exilé pour quelque temps Miller (ne cherchez pas sur une carte si cette ville existe, c'est pas la peine!).

L'histoire, je vous laisse la découvrir vous-même. Mais je vous préviens, votre petit coeur va se serrer et fondre à la fin. Non, vraiment la vie est trop trop injuste avec Miller et Mary.

J'ai bien l'intention de poursuivre ma découverte de Colin Bateman et c'est bien désolant que seuls 4 ou 5 livres soient accessibles en France car il en a écrit des wagons depuis celui-ci qui date de 1995 (paru en France seulement en 2004) !

Quelques extraits :

" Il lui préparait des toasts à la banane, des sandwichs au jambon et au coleslaw. Un dimanche, il se risqua même à faire un poulet au micro-ondes. Il sortit du four une espèce de grosse pelote de ficelle, entourée de choux de Bruxelles explosés."

" - Hé, toi!
Webb fit la sourde oreille.
- Hé, Kojak !
Webb leva les yeux. "Oui. Quoi ?"
- Tiens, ricana Miller, d'une voix pâteuse, tu réponds pas quand je t'apelle, mais si je dis "hé, Kojak!", tu réagis au quart de tour! Tu ferais pas un complexe, rapport à tes cheveux, là ?"

"A cent mètres de chez lui, il avait repéré une épicerie Good Neighbour, tenue par une dondon à gueule de raie"

"Avez-vous vu Les Hommes du Président ?
- Avec Dustin Hoffman et Robert Redford? Vous connaissez un journaliste qui ait manqué ça!
- Alors admettons que je sois votre Deap Throat.
- Vous voulez que je baisse l'abat-jour?
- Le moment est mal choisi pour faire l'andouille!"

Voir aussi mon billet sur Divorce, Jack ! qui m'avait déjà beaucoup plu.

9 août 2010

Rupture

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4e de couverture : "Samuel Szajkowski enseigne l’histoire dans une école secondaire, mais aussi d’autres matières car on manque de personnel. Par un été torride, il entre dans une salle, ouvre le feu et tue trois élèves et un collègue avant de retourner son arme contre lui.
Au fil de son enquête, l’inspecteur Lucia May se heurte à la complexité - souvenirs flous, mensonges, mauvaise volonté - des témoignages des professeurs et des élèves. Plusieurs vérités successives apparaissent. Ce drame fait désordre dans la communauté, et il importe que l’affaire soit bouclée vite fait, bien fait. Version officielle : le Polonais était un psychopathe. Mais Lucia suspecte qu’il y a davantage en jeu et tient à creuser malgré tout. Ce qu’elle va découvrir est terrifiant.
Cruauté des enfants, harcèlement d’un professeur par des gamins gâtés que soutiennent leurs parents influents, hypocrisie des pouvoirs publics et de la direction de l’établissement, petites vengeances d’enseignants frustrés et peu considérés, état déplorable du système éducatif anglais : Rupture parle d’un mal bien contemporain."

Avec Rupture, Simon Lelic nous plonge dans un roman policier anglais pas comme les autres. Le lieu du drame est celui de l'Ecole où un jeune professeur d'histoire, Samuel Szajkowski, tue quatre personnes - trois élèves et une collègue - avant de se donner la mort. L'inspecteur de police Lucia May est chargée d'établir un rapport afin que l'affaire soit classée au plus vite, à savoir que le tueur était un fou, un monstre. Mais au fur et à mesure de son enquête, ce qu'elle découvre est d'une toute autre ampleur et l'affaire ne peut être classée si facilement. Sa découverte dérange sa hiérarchie qui l'écarte alors de l'affaire. Mais l'enquêtrice en fait fi, continue et donne à voir au lecteur une vérité dérangeante.

L'enquête repose sur les enregistrements des interrogatoires menés. Celui d'enseignants, d'élèves, de parents d'élèves dont l'enfant a été tué dans le carnage, celui du directeur du collège, Mr Travis, et de sa secrétaire. Les pièces à conviction sont alignées au fur et à mesure sous les yeux du lecteur, qui découvre, comme le dit Lucia, que "ce n'est pas toujours celui qui appuie sur la détente qui est responsable".

Dans ce roman policier, Simon Lelic brosse un portrait peu reluisant de la société anglaise contemporaine et en particulier de son système éducatif où règne la loi de l'omerta.
Mr Travis est une caricature : comme le veut le système britannique, il recrute lui-même ses enseignants. Cependant, il n'a pour eux que peu d'estime, comme il a peu d'estime pour les élèves et ses compatriotes en général : "La majeure partie de la population adulte de ce pays sait à peine compter ses orteils, en admettant qu'elle soit capable de regarder plus bas que son ventre pour les localiser. (...) Les enseignants (...) ne se préoccupent que d'eux-mêmes". Pour lui, ce qui compte, ce sont les mathématiques et les chiffres. Et c'est bien là le noeud du problème. Il n'a que peu d'estime pour l'humain, ce qui n'est pas sans conséquence lorsqu'on est chef d'établissement scolaire. Il accorde nettement plus d'importance à l'argent qui rentre et qui sort de son établissement, d'autant plus que son collège est en passe de recevoir des fonds privés. Alors autant que l'affaire soit classée plutôt que d'effrayer les investisseurs. D'autant plus que le collège a déjà des antécédents : Eliott, un élève persécuté par d'autres élèves, a été sauvagement agressé et finit par se suicider. Tout comme Samuel était persécuté par ses élèves qui n'ont pas hésité à lui casser une jambe ou à lui mettre un étron dans sa malette. A cela s'ajoute l'hostilité de son collègue prof de sport, "T.J." pour un motif bien futil : Samuel l'a pris pour un prof de latin, ce qu'il a été vécu comme une insulte! Un type stupide, méchant et aussi immature que les élèves dont il a la charge. Les autres enseignants, témoins des mésaventures à répétition de leur nouveau collègue ne feront rien. Par peur de Mr Travis notamment...

Dans son enquête et son travail en général, Lucia elle aussi est persécutée, victime du machisme de ses collègues, en particulier de Walter qui tente de l'intimider en l'agressant dans un parking, mais aussi de Cole, son boss, plus préoccupé de son herpès et de sa carrière que de faire jaillir la vérité.

Dans ce roman policier, le lecteur ne découvre pas un tueur psychopathe mais terriblement banal, normal, victime d'une surdose d'humiliations, de persécution mais aussi d'indifférence dans un système qui laisse peu de place à l'humain. Un roman effrayant que l'on n'oublie pas une fois refermé. Bien plus qu'un roman policier, c'est certain...

Je pense que l'on entendra reparler de Simon Lelic, dont c'est le premier roman publié en France.

Voir aussi l'avis enthousiaste d'Ankya.

Lu dans le cadre du

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4 août 2010

Les derniers jours de Stefan Zweig

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4e de couverture : "Le 22 février 1942, exilé à Pétropolis, Stefan Zweig met fin à ses jours avec sa femme, Lotte. Le geste désespéré du grand humaniste n'a cessé, depuis, de fasciner et d'émouvoir. Mêlant le réel et la fiction, ce roman restitue les six derniers mois d'une vie, de la nostalgie des fastes de Vienne à l'appel des ténèbres. Après la fuite d'Autriche, après l'Angleterre et les Etats-Unis, le couple croit fouler au Brésil une terre d'avenir. Mais l'épouvante de la guerre emportera les deux êtres dans la tourmente - Lotte, éprise jusqu'au sacrifice ultime, et Zweig, inconsolable témoin, vagabond de l'absolu."

Ce roman, du moins écrit comme tel et tiré d'un fait réel, revêt un aspect documentaire important, tant sur l'atomosphère de l'époque que sur l'état d'esprit de l'écrivain autrichien. Le rappel des événements, les crimes que commettaient les nazis à l'égard des juifs, quels qu'ils soient, célèbres ou non, l'état de psychose dans laquelle vivaient les gens, plonge immédiatement le lecteur dans une atmosphère glauque qui contribue à faire comprendre l'état d'esprit de l'écrivain autrichien en exil. Stefan Zweig fait partie des survivants. Beaucoup de ses amis se sont suicidés, d'autres ont été torturés, certains, comme lui, se sont exilés. Ses amis disparus, ceux d'un monde qu'il pense anéanti à tout jamais, le hântent : "La nuit il avait rendez-vous avec ses chers disparus. Tous ses proches passés dans l'autre monde semblaient descendre de l'au-delà pour lui rendre visite. Un cortège d'invités faisait la queue devant sa porte." Les grands écrivains, de Rilke à Thomas Mann, sont évoqués, d'un bout à l'autre du récit. Car Zweig s'interroge sur son devenir d'écrivain : "Est-on encore écrivain quand on n'est plus lu dans sa langue ? Est-ce qu'on est encore en vie lorsqu'on n'écrit plus de son vivant?".

Si les morts et disparus le hantent comme des vivants la nuit , les vivants semblent rappeler sans cesse à Stefan Zweig qu'il est en sursis. La bêtise des propos d'un chauffeur de taxi brésilien, les lettres anonymes le menaçant de mort, Rio de Janeiro truffé d'espions de la Gestapo et un régime politique brésilien fort peu démocratique, sans parler de la rencontre avec un rabbin et de Bernanos ne sont pas pour lui faire croire en un avenir meilleur. L'écrivain autrichien se sent incompris. On veut qu'il soit juif alors qu'il est athée. On attend qu'il soit un super-héros ayant le pouvoir de distribuer des visas à tous les exilés, alors qu'il se considère comme un fuyard.

La mort hante le roman tout comme elle hante Sweig depuis longtemps. Le lecteur le découvre en même temps que Lotte à la lecture de son Kleist de 1925 où il faisait l'éloge du geste funeste du poète. Dès lors, la fin tragique semble inéluctable...

Le texte est porté par un style narratif très poétique et littéraire qui contribue a accenter la dimension romanesque de l'histoire.

Ce roman restitue de manière habile l'état d'esprit de l'écrivain tout en se gardant d'expliquer vraiment son geste fatal et encore moins de le juger. Cependant, j'ai eu du mal avec le style, qui, à la longue, m'a lassée. Ce n'en est pas moins un bon roman.

Voir aussi l'avis de Mlle Curieuse et d'Ankya

Lu dans le cadre du

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2 août 2010

Les disparues de Vancouver

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4e de couverture : " Pourquoi sortir l'affaire des disparues de Vancouver au moment des Jeux olympiques ? Parce qu'elle en est le négatif absolu... D'un côté, les cimes, la blancheur, la glace, l'exploit, la vitesse, les corps vainqueurs, venus du monde entier, ce que Vancouver veut montrer au monde, une image rêvée... De l'autre, la noirceur, un gouffre au coeur de la ville, les corps vaincus, détruits, drogués, les Indiennes, l'échec, la mort, tout ce que l'on voudrait cacher. " E.F. A Vancouver, les prostituées du downtown eastside disparaissent. Soixante-neuf déjà. Parmi elles, Sarah, jolie, rieuse, pleine de vie. Mais qui se soucie du sort de ces filles qui vendent leur corps pour un peu d'héroïne ? Dans ce roman vrai, émouvant, lucide, Elise Fontenaille offre à Sarah un espoir de survie : tombeau et résurrection."

Tout commence autour d'une plaque commémorative dédiée à la mémoire de onze femmes où sont rassemblées "une centaine de femmes, la plupart indiennes" et "quelques hommes". Le lecteur apprend que ces onze femmes ne sont pas mortes, du moins pas officiellement. "Elles ont juste disparu". Chacune leur tour, en se passant le talking stick, les personnes rassemblées là évoquent ces disparues : toutes ont en commun d'être des filles du Downtown Eastside, "le pire quartier de Vancouver", "le paradis des pédophiles" où s'entassent et survivent les junkies, très majoritairement indiennes, qui se livrent à la prositution pour se payer leur dose. Leur mystérieuse disparition a été signalée à la police. Mais celle-ci rechigne à mener une enquête. Alors, pour tenter de faire bouger les choses, Wayne Leng, l'amour de Sarah, une de ces disparues, a monté un site Internet qui leur est dédié : MISSING. "C'est devenu sa vie, il y travaille jour et nuit". Il est aidé par d'autres comme le georaphic profiler Kim Rossmo qui déclare ouvertement avant de quitter le pays que "si les Disparues avaient vécu dans les bons quartiers de Vancouver, si elles avaient été des femmes blanches convenables, la police ne serait pas restée aussi longtemps sans réagir, on aurait déjà arrêté le meurtrier".

Wayne se transforme donc en enquêteur pour savoir ce qu'est devenue Sarah, sa "métisse de Black et d'Indienne", adoptée par une famille blanche libérale, qui aurait eu tout pour être heureuse si elle n'avait pas été victime du racisme et du rejet dès l'école. Le récit prend une allure de thriller effroyable qui n'est pas sans rappeler les meurtres de Jack l'Eventreur (qui s'attaquait à des prostituées). Les coups de fils anonymes à Wayne annonçant la mort de Sarah se multiplient. Le nombre de disparues ne fait qu'augmenter, la peur gagne aussi les quartiers "blancs", la mairie de Vancouver jette quelques dollars pour tenter de calmer le jeu. Jusqu'au soir où Wayne reçoit l'appel téléphonique d'un homme l'informant d'une drôle de découverte dans un mobile home : des sacs tâchés de sang avec des cartes d'identité. Mais il faudra encore 2 ans et 69 victimes avant que la police ne mette son nez dans les affaires d'un fermier de Coquitlam et découvre son congélateur avec "six têtes de femmes et deux pieds aux ongles laqués sous chaque tête". Le lecteur pense alors être arrivé au bout de l'horreur une fois le meurtrier arrêté. Mais non! Les Indiennes continuent de disparaître dans l'indifférence générale alors qu'il suffira d'un seul meurtre de femme blanche, la soeur d'un adjoint au maire de Vancouver, pour qu'on trouve la mise en garde suivante: "Ne courez pas seule dans les parcs de la ville de Vancouver, faites-vous accompagner." Alors que 69 femmes indiennes, et sans doute davantage, ont été assassinées de manière barbare, transformées en viande hâchée et mangées. "Une scène du crime comparable à un charnier du Kosovo après purification ethnique, à Ground Zero...". Ou encore qu'une seule femme blanche soit assassinée sur l'Autoroute des Larmes pour que les medias se déchaînent, alors que 29 Indiennes y avaient péri ou disparu.

Dans ce récit tiré d'un fait divers réel, Elise Fontenaille dénonce sans détour les conséquences du laxisme des autorités canadiennes vis-à-vis des filles du Downtown Eastside et l'indifférence générale des "autres" citoyens canadiens : le génocide des Indiens par le meurtre de femmes. Pour elle, l'affaire Pickton n'est que la partie émergée d'un iceberg sanglant. Une affaire qui a ébranlé tout le Canada mais ne le rend pas moins coupable, une souillure honteuse . On ne tue pas 69 Indiennes parce que le climat est humide...
Un récit-choc, au style fluide et simple, très documenté, sur les conditions sociales des Indiennes. Un livre dérangeant, qui donne la parole aux victimes, aux rescapées, aux amis et à leurs parents et qui sensibilise le lecteur à une réalité méconnue, à travers une affaire dont on a peu entendu parler en Europe, sauf erreur de notre part. Un livre dédié à la mémoire de Claude Levi-Strauss - et à toutes les Indiennes disparues - qui n'est évidemment pas un hasard. Un bel hommage à ces femmes que l'on n'entend pas.

Livre lu dans le cadre du

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