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21 juin 2013

Rosie ou le goût du cidre - Une enfance dans les Cotswolds

 

 

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4e de couverture : "" Le thème de ce livre (une enfance à la campagne) était, dans sa banalité, redoutable à traiter. On attend au coin du bois l'odeur des foins, la pêche aux écrevisses et autres fariboles certainement enchanteresses, mais qui font vite bâiller. Rien de tout cela dans ce récit d'une pureté de ton et de langue prodigieuse : une langue qui reste
de bout en bout, comme celle de Colette, le parler d'un poète. Hors de nos frontières, deux livres seuls, pour tout, dire, accèdent à ce miracle : Vingt ans de jeunesse de Maurice O'Sullivan, qui raconte une enfance irlandaise dans les Blaskets et que Dylan Thomas comparait "à l'œuf tout frais pondu d'un oiseau de mer", et, sur un autre registre, Vertes demeures de W. H. Hudson, dont Conrad disait qu'il écrivait " comme l'herbe pousse". Compliment qui pourrait fort bien s'adresser à Laurie Lee en la présente occurrence. " (Patrick Reumaux)"

 Tout d'abord, pour celles et ceux qui l'ignoreraient (comme moi avant de commencer ce récit, j'avoue ! ) Laurie Lee est un écrivain, poète et scénariste anglais (1914-1997). Cider with Rosie a été écrit en 1959.

L'homme de lettres nous livre ici sa prime enfance, dans le sud ouest de l'Angleterre dans la région des Cotswolds, plus précisément dans la vallée de Slad. Nous sommes au début du XXe siècle, juste après la Première Guerre mondiale. Laurie Lee nous prévient : "Ce livre est une remémoration de la première enfance ; le temps en a peut-être déformé certains épisodes". Mais en fait, peu importe. L'écrivain procède ici non par ordre chronologique mais plutôt par thématiques formant chacune un chapitre du livre. Une manière originale d'aborder un récit d'enfance. Quelques-uns ont attiré mon attention plus que d'autres. Notamment lorsque Laurie évoque ses deux grands-mères dans le chapitre "Deux grands-mères dans les lambris" : il y décrit deux vieille dames fortes en caractères, que tout oppose et qui se détesteront cordialement jusqu'à leur mort. Elles sont pourtant tellement liées l'une à l'autre par le fil de la discorde que la mort de l'une emportera l'autre !

"Grand-mère Trill et Grand-mère Wallon étaient deux vieilles ennemies vivant chacune sur les nerfs de l'autre". "Elles communiquaient à coups de sabots et de balai, sautant sur le sol et frappant au plafond."
"Grand-mère Trill avait un curieux sens du temps, qui paraissait obéir à un modèle dépassé. Par exemple, elle prenait son petit déjeuner à quatre heures du matin, déjeunait à dix, prenait un thé à deux heures et demie de l'après midi et se mettait à nouveau au lit à cinq heures."

Ces deux grands-mère sont attachantes de drôlerie, presque des personages de BD. Et quand Laurie Lee n'évoque pas sa famille (qui occupe évidemment une bonne partie du livre), il brosse une peinture magnifique de sa vallée dans les Costwolds :

"L'hiver, pas plus que l'été, n'était typique dans notre vallée, ce n'en était même pas le contraire. C'était simplement autre chose.(...)
- Fait mortel, dehors ! dit le laitier. Les freux sont après les moutons. Les cygnes gèlent sur le lac ! Et les mésanges tombent raides mortes en plein vol!"
"C'était un monde de verre, étincelant et immobile. Les brumes avaient gelé tout autour des arbres, les transformant en pains de sucre. Tout était raide, bouclé, scellé, et quand nous respirions, l'air avait une odeur d'aiguilles, nous piquaient les narines et nous faisait éternuer. (...) Sous le soleil faible et bas, les champs lointains étaient recroquevillés comme des huîtres."
"Le ciel s'était éclairci et des ruisseaux d'étoiles déferlaient dans la vallée jusqu'au Pays de Galles."

Mais l'été, "étourdi de senteurs et d'abeilles, le jardin partout brûlait de chaudes fleurs blanches, chacune d'une si aveuglante incandescence qu'elles faisaient mal aux yeux quand on les regardait.
Les villageois prenaient l'été pour une sorte de punition. Les femmes , qui ne s'y habituèrent jamais, déversaient des seaux d'eau dans les chemins, enlevaient la poussière en marmonnant, tandis que couvertures et matelas pendaient comme des langues aux fenêtres et que les chiens, babines pantelantes, s'abritaient sous les citernes à eau de pluie."

Enfin, le village du tout jeune Laurie est peuplé de personnages tout à fait étranges : Charlie-Trognon-de-Chou, Albert-le-Diable, Percy-de-Painswick ou Willy-le-Poiscaille... Tout un monde !

L'écriture de Laurie Lee m'a vraiment enchantée, par sa poésie mais aussi sa touche d'humour. J'ai lu le livre en version française dans une traduction remarquable. Par contre, j'ai, étrangement, eu du mal à m'attacher aux personnages qui peuplent le village (mis à part les grands-mères) et même à l'écrivain enfant.

Une lecture en demi-teintedonc, mais récit à découvrir malgré tout. Il constitue le premier volume d'une trilogie dont Un beau matin d'été (1969) et Instants de guerre (1991) constituent la suite de la vie de l'écrivain. J'avoue que le deuxième volume me tente...

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Lu dans le cadre du Mois anglais organisé par Lou et Titine

 

 

 

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7 juin 2013

Cette main qui a pris la mienne

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4e de couverture : "Dans le Soho bouillonnant des sixties, Lexie, apprentie journaliste, comble sa soif d'indépendance et ses rêves de gloire. Quarante ans plus tard, la jeune Elina s'efforce de surmonter un accouchement difficile tandis que son mari voit ressurgir les zones d'ombre de son enfance. Deux destins bouleversants, unis par un lien ténu et secret..."

Je publie ce billet dans le cadre du Mois Anglais. Je précise néanmoins que Maggie O'Farrell n'est pas anglaise mais nord-irlandaise. Reste que ce roman se déroule en grande partie à Londres, à Soho en particulier. L'écrivaine a d'ailleurs eu recours à Soho in the Fifties and Sixties de Jonathan Fryer (1998) et Never Had It So Good. A History of Britain from Suez to the Beatles, de Dominic Sandbook (2005). Et c'est justement, entre autres, la description minutieuse et quasi-cinématographique de Soho qui m'a séduite et décidé à publier ce billet dans le cadre du Mois Anglais.

C'est mon troisième rendez-vous avec Maggie O'Farrell, après La femme de mon amant (qui m'avait déçue) et L'étrange disparition d'Esme Lennox (qui m'avait absolument enthousiasmée). Le titre (même en VO : The Hand that First Held Mine) qui suggère presque un roman à l'eau de rose, me laissait craindre le pire. Mais cela m'aurait également un peu étonnée de la part de Maggie O'Farrell. En effet, elle tord le cou aux clichés.

Deux intrigues sont se déroulent tout le long du roman pour ne se rejoindre qu'à la fin, dans une logique implacable. Alexandra, jeune Anglaise de vingt-et-un an, élevée dans le Devon, quitte sa famille sur un coup de tête, au milieu des années 50, ne supportant plus l'ambiance de la maisonnée, avec une mère encore encombrée d'un nouveau-né et des frères qui la tannent pour qu'elle aille s'excuser auprès de l'université dont elle vient d'être renvoyée parce qu'elle "sortai[t] d'un examen et [a] emprunté la porte réservée aux hommes". Alors qu'elle se prépare à quitter l'univers familial, elle fait la connaissance d'Innes Kent, sorte de dandy qui monte sa revue culturelle, Elsewhere, dans le quartier de Soho à Londres. Cet homme tronque le nom de la jeune femme et la nomme Lexie, finit par l'embaucher. Un malheur arrive. Mais malgré la douleur Lexie se relève et rebondit, continue de manière ascendante sa vie dans le bouillon de culture de Soho.

A des années de là, on trouve Elina, une Finlandaise vivant à Londres, qui a vraisemblablement accouché... mais qui a des passages à vide, l'amenant même à oublier qu'elle a accouché. L'ambiance est assez angoissante : Elina est perdue, fatiguée, doute de ce qu'elle fait. Ted, son ami et père de l'enfant, est inquiet pour elle et l'appelle souvent du travail pour savoir ce qu'elle fait de sa journée, ce qu'elle a dû mal à lui restituer. Dès le début, le lecteur est intrigué et aussi inquiet qu'Elina : que s'est-il passé ? Le voile se lève peu à peu - mais si je vous dis pourquoi elle ne se rappelle de rien, j'en dis trop, alors je ne vous dirais rien ! Le bébé restera longtemps sans nom car le couple n'arrive pas à se décider à le nommer.

A travers ce qui est en grande partie un roman d'apprentissage, Maggie O'Farrell fait découvrir à merveille l'ambiance du Londres bohême des années 50-70 et son effervescence. Quelques extraits parmis d'autres :

"En arrivant à proximité de Soho Lexie s'arrête et cherche le petit mot et la carte de visite qui n'ont pas quitté son sac depuis le jour où elle a fait la connaissance d'Innes Kent. Sans nécessité, elle les relit. Directeur de la revue Elsewhere. Bayton Street, Soho, London W1.
Ce matin, Mme Collins a été choquée quand Lexie a laissé échappé dans l'escalier qu'elle irait à Soho dans la journée. Lexie a voulu savoir pourquoi.
"Soho ? a repliqué Mme Collins. Il y a là-bas des tas d'ivrognes et de bohèmes."

"Les immeuble en brique rouge sombre sont tassés, les rues étroites. Dans les canniveaux s'écoule l'eau de l'averse tombée un peu plus tôt. Un autre carrefour, encore un autre, une épicerie chinoise devant laquelle une femme dresse une pyramide de fruits jaunes tavelés, une entrée où deux Africains rient, assis sur des chaises. Des marins en costume bleu et blanc marchent au milieu de la rue en chantant en choeur avec des voix chancelantes, discordantes ; un livreur à bicyclette, qui doit dévier son chemin pour les éviter, leur lance une réflexion par-dessus son épaule. Deux ou trois marins prennent apparemment la mouche et foncent sur lui, mais le cycliste pédale avec énergie et file."

"Innes est électrisé par la refonte de sa revue - aspect, contenu, impression générale, tout a été repensé. Le numéro en préparation mettra en vedette un sculpteur qui, Innes en est sûr, laissera son empreinte dans l'histoire de l'art". "Le cerveau d'Innes mène plusieurs réflexion de front. Il se demande si le nom de la revue sera bien mis en valeur avec de l'italique, s'il se détachera sur la simplicité de la nouvelle fonte, je veux que la police de caractères soit simple, Helvetica, peut-être, ou Gill Sans, mais sûrement pas Times ou Palatino, il ne faudrait pas qu'elle attire trop l'attention aux dépens de la sculpture photographiée."

Bref, ça bouillonne autant sous les crânes que dans la rue. Voici pour l'un des aspects de ce roman riche par ses thématiques. Par ailleurs, Maggie O'Farrell casse le moule de la maternité heureuse vue comme l'accomplissement suprême de la femme. Les deux héroïnes ne vont pas s'accomplir par la naissance d'un enfant, mais par leur âme d'artiste : Lexie écrit des articles et des livres sur des peintres et des sculpteurs ; Elina a son atelier d'artiste au fond du jardin et ne pas pouvoir y aller parce qu'il faut qu'elle s'occupe de son nouveau-né 24h/24 la rend malheureuse. La jeune femme voit du jour au lendemain son univers se rétrécir à quatre murs et ses journées se rythmer au fil des tétés, des lessives et des pleurs du bébé.

Néanmoins, c'est par la naissance de deux bébés que vont se sceller deux destins et se restituer peu à peu une mémoire effacée et une histoire de famille enterrée depuis longtemps.

Je ne me suis pas ennuyée une minute avec ce roman qui fera partie de mes coups de coeur 2013. De nombreux rebondissements tiennent en haleine et le secret n'est révélé qu'à la fin. J'ai eu beaucoup d'empathie pour Lexie, personnage courageux et volontaire.

Un roman magistralement écrit à découvrir absolument !

 

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