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Mille (et une) lectures
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Mille (et une) lectures
4 août 2014

Alfred et Emily

 

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4e de couverture : "Parce que le poids de la Première Guerre mondiale a brisé son père, parce que l'émigration en Rhodésie a fait perdre à sa mère le goût de vivre, Doris Lessing a voulu imaginer l'existence de ses parents si l'histoire avait pris un autre cours : la guerre n'a pas eu lieu, l'Angleterre est florissante... et Alfret et Emily ne se sont jamais mariés."

 Au premier abord, on pourrait penser que l'idée de Doris Lessing est un peu saugrenue : à quoi cela sert-il de réinventer la vie de ses parents ?  Mais elle avoue que "la colère ramenée des tranchées par mon père s'est emparée d'[elle] très tôt et ne [l']a plus jamais quittée". Elle précise dans l'avant-propos du livre que ses parents furent " Tous deux furent dévastés par la Première Guerre mondiale. Après avoir eu la jambe fracassée par un obus [son] père dut porter une prothèse de bois. Il ne se remit jamais de l'expérience des tranchées. (...). Sur son certificat de décès, il aurait fallu inscrire comme cause de la mort : la Grande Guerre."

Le livre, constitué de deux parties, est organisé de manière originale sinon surprenante : la première partie est une fiction : "Le roman d'Alfred et Emily" ; la deuxième ("Alfred et Emily : deux vies") est une réflexion de Doris Lessing qui évoque l'impact qu'a eu la vie de ses parents sur la sienne, en tant que personne, écrivain et femme engagée.
L'ensemble du livre est agrémenté de photos et d'un extrait du London Encyclopaedia qui relate l'histoire du Royal Free Hospital, premier hôpital public et gratuit de Londres, où travaillait la mère de Doris Lessing.

L'écrivain reprend les grands traits de caractère de ses parents pour réinventer leur histoire. Emily McVeagh est une jeune femme de la bourgeoisie londonienne. Avec sa meilleure amie Daisy, elle décide de s'engager comme infirmière au Royal Free Hospital pour défier son père. C'est le pire boulot que l'on puisse imaginer, un travail réservé alors aux femmes de basses conditions. Les conditions de travail sont effroyables, le salaire misérable, on y souffre de la faim. Comme c'est un acte de rébellion, évidemment, cela ne va pas durer très longtemps... le temps pour Emily de trouver un mari, avec qui elle s'ennuiera mais qui mourra rapidement !
Emily se découvre des talents de conteuse, c'est du moins les enfants des voisins qui lui révèlent cette corde à son arc. Qui dit contes, dit lecture, dit école... De fil en aiguille, Emily finit par monter un réseaux d'école Montessori. Pour les achalander en livres, "elle se rendit dans plusieurs librairies, où elle déclara qu'elle comptait commander un grand nombre de livres et se renseigna sur les prix des livres en gros". La mère de Doris était effectivement une lectrice invetérée à tel point qu'elle se rappelle qu'un flots de livres entraient et sortaient de la maison car sa mère étaient prise par les gens du coin "pour une sorte de bibliothécaire". En Rhodésie, c'est une bouffée d'oxygène pour la mère comme pour la fille . Doris se rappelle qu'"elle avait lu allongée sur son lit, ou assise à cet endroit même. Les livres - un lieu de paix et de sérénité, où elle pouvait se réfugier... Les livres étaient une bénédiction. La lecture était une bénédiction."
Une soupape de sécurité pour résister à la vie africaine difficile, où Emily avait cru pouvoir reconstituer la vie de salon anglais. C'est en Perse qu'Alfred et Emily décident d'aller vivre en Afrique, parce qu'en Rhodésie on disait qu'on pouvait faire fortune avec la culture du maïs. Mais c'est une toute autre réalité qui les y attendait...

Alfred, dans la fiction, est beaucoup moins présent qu'Emily. Un indice qui révèle l'obsession de Doris Lessing quant à sa mère avec qui elle ne s'entendait pas. Son père, amputé d'une jambe, qui ne mourra pas physiquement dans les tranchées de la Grande Guerre, sera vaincu des années plus tard par le diabète. Sa mère, traumatisée par tous les blessés qu'elle a vu arriver à l'hôpital, n'est plus que l'ombre d'elle même et ne se rélèvera jamais. Des parents traumatisés par la guerre pèsera lourdement sur Doris : "C'était pour moi une réalité aussi présente que ce que je voyais autour de moi. Aujourd'hui encore je m'efforce d'échapper à cet héritage monstrueux, pour être enfin libre." Ces propos sont tenus en 2007.

Un livre en forme d'exutoire où la guerre est expurgée de la fiction, au mieux présente sous forme de coupes de cheveux partisanes : les femmes au carré raide sont pro-serbes ; celles au carré flou soutiennent les turcs. Et si vous êtes neutres, il n'y a plus qu'à vous tresser une natte ! Aussi ridicule que la guerre ! Un écrit d'ambiance sur une époque.

J'avoue que je ne m'attendais pas à un tel livre. J'imaginais une petite fiction tranquille. Réécrire la vie de ses parents n'est pas chose aisée. Doris Lessing parvient néanmoins à ne pas tomber le piège de la fiction d'une "vie de rêve" et de personnes "zéro défauts". Les liens entre fiction et réalité se tissent à la lecture la deuxième partie du livre, qui, toutefois, m'a donné quelques fils à retordre, par les redites et les divers sujets abordés.

Un bel hommage et une manière de rappeler que la guerre n'est pas une chose anodine (j'ai l'impression d'enfoncer une porte ouverte mais l'actualité mérite qu'on le rappelle).

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Le récap des billets écrits dans le cadre du challenge, c'est ICI

 

 

 

 

 

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Commentaires
M
Si tu aimes Doris Lessing, as tu lu le Journal d'une voisine ? <br /> <br /> Peu connu et magnifique
A
Tu as raison, on ne répétera jamais assez que la guerre n'est pas anodine.
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