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18 juillet 2015

L'île du serment

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 A travers les mots de Jean-René Dastugue

Peter May renoue ici avec son sujet de prédilection : l'Ecosse des îles. Ce roman sommeillait dans ma liseuse depuis sa sortie en septembre dernier et je me demande maintenant pourquoi je ne me suis pas jetée dessus tout de suite ! Un bon gros pavé bien tourbé en dépit de ce que peut laisser penser l'évocation de l'archipel québécois de La Madeleine....

Sime est un flic québécois anglophone mais aussi francophone. Il est envoyé enquêter sur l'île d'Entrée où les gens parlent exclusivement la langue de Shakespeare, parce que tous ont des racines écossaises, comme Sime. Tous ses collègues sont francophones mais ce n'est pas un problème.
Un meurtre a eu lieu sur cet îlot de l'archipel de la Madeleine (2 kilomètres de large sur 3 de long, on a vite fait le tour!). Tout de suite, avant même d'avoir les preuves, la police pense que la coupable est Kirsty Cowell, l'épouse de la victime. Mais Sime est persuadé du contraire. Pourtant rien n'est rationnel, tout relève du sentiment, de l'intuition : quand Sime rencontre Kirsty, il pense la connaître depuis toujours. Pourtant, ce n'est pas réciproque.

Sime est insomniaque et se remet difficilement de son mariage raté avec Marie-Ange, de surcroît sa collègue de la police scientifique, présente sur les lieux. Dépressif et insomniaque, pour un flic ça n'aide pas à y voir clair, d'autant que ce qui se passe à côté de l'enquête va prendre de plus en plus d'importance, jusqu'à presque faire oublier au lecteur la raison d'être de Sime sur l'île...
En effet, Sim est insomniaque, mais parfois il ferme quand même les yeux. Pourtant ses rêves le laissent sur les genoux au réveil : il revit les histoires racontées par sa grand-mère, à propos de son arrière arrière arrière grand-père, originaire de l'île d'Harris et Lewis en Ecosse.
Au fil du roman, le récit "écossais" prend de plus en plus d'importance et vous fait quitter le Québec du XXIe siècle pour vous plonger de l'autre côté de l'Atlantique, au milieu du XIXe siècle, au temps de la famine de la pomme de terre.

Deux récits dans le roman qui ne sont reliés que par les personnages de Kirsty et Sime. Et par des bijoux en cornaline ornés d'emblèmes. Peter May maintient  un double suspense : celui du meurtre sur l'île d'Entrée et celui qu'on pourrait appeler le "mystère de Kirsty".
Mais en plus, ce roman est aussi un magnifique documentaire sur la dépossession et la déportation de milliers de paysans écossais gaélophone vers le Québec. Le tout corolé à une famine fabriquée de toute pièce pour tenter de les exterminer. Un passage très émouvant évoque Sime qui court après un cerf blessé pour tenter de nourrir sa  famille alors que des nobles coursent ce même cerf juste pour s'amuser, rapporter un trophée !
Dans le roman, il y a un type vraiment pas sympa qui sera à l'origine de tous les malheurs du Sime du XIXe siècle : un certain James Matheson, marchand originaire de Glasgow ayant fait fortune grâce au commerce du tabac, du coton et du sucre après la guerre d'indépendance américaine. En 1847, il rachète toute l'île de Lewis pour 190 000 livres.  Il dispose de tout ce qui est dessus comme il l'entend : bêtes, maisons, humains, terres. Un jour, il décide de vider le village de Bail Mhanais, parce que Sime fréquente sa fille Kristy.

Une page de l'histoire de l'Ecosse qui indigne devant le sort réservé aux paysans, chassés de leurs terres, affamés, obligés de s'embarquer, pour survivre, vers le Québec, parce qu'un mouton vaut plus que leur tête. Le voyage est décrit avec toute son horreur. Le sort réservé aux malheureux survivants de la diphtérie n'est pas vraiment réjouissant ni des plus accueillants. Pourtant, malgré et contre tout, ils parviendront à apporter leur pierre à l'édifice de leur nouveau pays : le Canada.

Un très bel hommage à ces gens !
On sent bien que l'intrigue du meurtre sur l'île d'Entrée n'est qu'un prétexte à l'évocation de cette page d'Histoire, même si tout se tient parfaitement et que les deux récits se rejoignent, le tout saupoudré d'un zeste de romantisme. Je suis partie très loin avec ce livre, le genre de bouquin qui vous déconnecte complètement du monde réel et vous fait râler si votre lecture est interrompue par une irruption du réel dans votre fiction (comme un horrible téléphone qui se met à sonner !). Et il y a une surprise : il faut aller absolument au-delà du mot "FIN" (présence incongrue de ce mot dans un roman que l'on ne comprend que lorsqu'on le dépasse...).

Bref un coup de coeur pour moi !

Bon, ensuite il ya quand même des choses qui n'incombent aucunement à Peter May mais à  l'éditeur et qui m'ont fait grogner :

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Pas besoin de commentaires...


Et puis un autre truc, plus personnel : l'irruption d'attaques de simulies dans le récit écossais du roman. Sérieusement, vous savez ce que sont des simulies ? Parce que moi non et j'ai fait le test sur plusieurs Français et une Québecoise, ce n'était pas plus concluant. Je pense que le mot original était midges. Si on prend le dictionnaire Harrap's (pas toujours le meilleur, je sais, mais bon...) midge est traduit par "moucheron". En Ecosse, en Irlande, un midge est un minuscule moucheron qui pique comme un moustique. Midge pour moi, ça sent les lacs et la tourbe. Je le considère comme intraduisible sous peine de plomber l'ambiance. Ca fait presque partie du patrimoine écossais au même titre que les backhouses (humour, hein!). Simulie, ça peut vous embarquer dans des zones tropicales... Il faut avoir subi les attaques des midges pour savoir vraiment ce qu'est cette besiole qui doit avoir des gènes de vampire (je peux donner des lieux où se faire vampiriser en Irlande pour ceux que ça intéresse !!) . Et comme on raconte en Irlande : "un midge tué et ce sont des centaines qui viennent à l'enterrement." Tout ça pour dire qu'un midge vaut une note en bas de page pour expliquer la bestiole. :)
(Je ne critique que très rarement les traductions parce que je n'y connais rien et que c'est un sacré boulot - sauf si vraiment ça me saute à la figure).

Je pense que je peux conclure en disant que c'est une lecture où je ne me suis pas ennuyée trois secondes ! Vivement le prochain Peter May !


 

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Commentaires
A
Chic, il faut que je me précipite dessus.
G
Je n'ai jamais lu Peter May mais ses livres m'attendent. J'espère que je vais aimer parce que son univers me parle beaucoup. J'ai été surpris de voir dans ton billet qu'il parle du Québec (je suis québécois) et je trouve intéressant à la fin quand tu parles de "simulies" (qui ne me disait rien à moi non plus). Je tâcherai de retenir l'information pour ma future lecture ;)
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