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Mille (et une) lectures

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Mille (et une) lectures
6 décembre 2011

Le dresseur d'insectes

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4e de couverture : "Einar, correspondant à Akureyri, publie un article sur une bâtisse hantée qui va servir de décor à un film américain. Au lendemain de la grande fête des commerçants d’Akureyri, où tout le monde a beaucoup bu, il apprend par Victoria, une étrange femme qui se prétend médium, le meurtre d'une jeune fille dans cette maison. Peu après, Victoria elle-même est tuée dans un centre de désintoxication alcoolique. Einar mène l'enquête."

Je continue à fond sur ma lancée de découverte de littérature islandaise. Après Arnaldur Indridason qui m'a enchantée avec Hypothermie et tant d'autres romans policiers à la sauce très zen malgré des sujets noirs, je m'aventure à la découverte de son confrère, Arni Thorarinsson, dont le héros récurrent est non pas un policier mais un journaliste.

Parce que ce titre m'intriguait fort, j'ai donc commencé par celui qui est le deuxième mettant en scène Einar, correspondant du Journal du soir, quotidien de la petite ville d'Akureyri. Celui-ci, apparemment ancien alcoolique, observe d'un oeil cynique la société qui l'entoure.
Pendant le week-end des Commerçants, la boîte de Pandore s'ouvre en grand, jusqu'au meurtre plutôt étrange d'une mystérieuse jeune fille retrouvée dans une maison non moins étrange, sinon hantée... du moins, c'est ce qu'on dit. "Dans le temps, les histoires de revenants étaient tout bêtement une sorte d'exutoire spirituel pour un peuple isolé et muselé qui avait besoin d'un peu de rêves". Mais les temps changent, enfin, pas tant que ça...
Après avoir récupéré sa rejetonne de fille, qui expérimente l'alcool et les sorties nocturnes avec son petit copain, sans vraiment penser à mal, Einar, ne pouvant pas compter sur la police locale pour retrouver les agresseurs de ses enfants et le meurtrier de celle surnommée "Pandora" par une certaine Victoria, décide de mener l'enquête lui-même pour le compte de son journal.

L'intrigue se déroule lentement, sans se presser. On pourrait presque dire que pendant 400 pages il ne se passe presque rien. Pourtant, chaque personnage rencontré est, sinon décortiqué au scalpel, du moins étudié minutieusement, dans le monde qui l'entoure. De la violence sociétale à la violence familiale, il n'y a qu'un pas et elle touche tous les milieux, les plus propres sur eux n'étant pas forcément les plus clairs. On trouve ici des personnages écorchés vifs ou pourris jusqu'à l'os par l'argent et/ou la drogue. Ce roman est un coup de griffe à l'avidité capitaliste outrancière (décidément les Nordiques sont les rois pour ça), avec ici une image bien peu glorieuse d'une certaine industrie cinématographique américaine, qui n'hésitent pas piocher dans la Centrale cinématographique islandaise...

Je me suis attachée au personnage d'Einar (cynique mais tellement lucide) et à ses enfants  et je dois dire que j'ai hâte de le retrouver pour de nouvelles aventures, dans cet univers islandais où "docteur Jekyll ne brime plus Mister Hyde, [mais où] c'est Mister Hyde qui brime Doctor Jeckyll. Et encore, pour peu que ça lui chante".

On retrouve ici une victime qui se prétend médium, comme dans Hypothermie, que j'ai lu il y a peu. Ca m'a frappée et je me demande si c'est récurrent dans la littérature islandaise, dont je suis bien décidée à approfondir la découverte car elle m'enchante !

En conclusion : une belle lecture d'hiver - où la signification du titre français est révélée dans les dernières pages...

 

 

 

 

 

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28 novembre 2011

2 ans

 

Déjà !

 2-ans

Je n'ai pas compté le nombre de billets, ni les livres lus mais comme toute bonne blogueuse littéraire qui se respecte (n'est-ce pas?), je ne peux que constater que ma PAL a encore augmenté cette année, que j'ai terminé l'aventure du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2011 avec un sentiment délicieux et que j'ai osé m'engager dans deux challenges, dont un fût particulièrement "éclatant" (dans sous les sens du terme)... Oui, je sais 2 challenges ça fait "petite joueuse" par rapport à d'autres. Mais bon...
Bref, à travers tout cela, de belles rencontres et de belles complicités !

Merci à toutes celles et tous ceux qui passe ici régulièrement ou moins, avec un commentaire ou sans. L'aventure continue !

27 novembre 2011

De vieux os

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4e de couverture : "Certains secrets devraient rester enterrés à tout jamais, se dit Murray Watson, enfoncé jusqu’aux
genoux dans la boue du cimetière de Lismore, au nord de l’Écosse, en compagnie d’une femme qui
avait toujours refusé de lui parler. Mais pourquoi s’est-il obstiné à chercher la vérité sur ce poète
mort noyé à vingt-cinq ans et à peu près inconnu ?"
(4e de couverture non intégrale pour cause de révélation du pourquoi du comment ou presque...)

 
Murray Watson est docteur en littérature anglaise à l'université de Glasgow. Il cherche à faire revivre et donner son aura à un mystérieux auteur, Archie Lunan, contre l'avis même de son directeur de département. Peu importe, Murray se lance à corps perdu à la recherche de cet écrivain qui aurait mis fin à ses jours. De chercheur en littérature anglaise à enquête quasi-policière ou journalistique, il n'y a qu'un pas... en tout cas dans ce roman (d'ailleurs Murray ne cesse de répéter "Je ne suis pas journaliste. Je suis docteur en littérature anglaise.")

Dans un premier temps, ce roman n'a pas arrêté de me faire pester : les personnages parlent comme des chartiers, l'histoire part dans tous les sens ou dans aucun sens, je ne voyais pas où tout cela allait me mener. J'ai trouvé Murray un peu crétin sur les bords pour un professeur d'université, dépressif, se laissant plaquer comme un abruti par la femme de son chef département qui décide de rester avec son mari. La vie de cet homme est vide, sa quête sur Lunan est quasiment son unique raison de vivre. J'ai même failli abandonner parce que je n'accrochais ni au sytle ni à l'histoire. Je ne ressentais même pas l'Ecosse dans cette lecture.

Heureusement, page 201 Murray a l'excellente idée de faire ses valises et de s'embarquer pour l'île de Lismore, au nord-ouest de l'Ecosse pour en savoir davantage sur son écrivain adoré. Et là, révélation !!! Le récit prend réellement son envol et tourne au thriller. Vous êtes embarqué avec Murray sur les routes défoncées de cette île humide et boueuse. Murray se trouve dans un trou paumé sans même un pub (obligé de s'acheter ses bouteilles de wishy à la seule épicerie du coin). Juste un B&B pour crécher, avec une propriétaire haute en couleur. Vous voici arrivé dans l'Ecosse profonde : les légendes font partie du quotidien, la frontière entre féérie et monde des hommes, rêve et réalité, passé et présent est abolie - ou presque.
La logeuse de Murray en sait quelque chose : "Je me suis souvenue de contes parlant de gens qui se perdaient dans les collines. Les fées organisaient une fabuleuse fête à la tombée du jour, où tout le monde festoyait, buvait et chantait, et le lendemain matin, elles remettaient leur invité sur le chemin de la maison."  L'ancienne compagne de Lunan vit là, dans un château isolé. Murray se laisse emporter par ce monde mystérieux : "J'avais cru être le Petit Chaperon Rouge, maintenant j'étais Alice tombée dans le terrier du lapin blanc".

Le héros ne ressortira pas indemne de cette histoire. Et le lecteur non plus !

Un bon roman donc, même si, pour moi, à cause de la première partie, ce n'est pas un coup de coeur. Mais j'ai tout de même passé un excellent moment à Lismore.

Voir aussi l'avis de Keisha et de George.

 

 

21 novembre 2011

Hypothermie

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4e de couverture : "C'est l'automne. Maria, une femme d'une cinquantaine d'années, est retrouvée pendue dans son chalet d'été sur les bords du lac du Thingvellir par Karen, sa meilleure amie. Après autopsie, la police conclut à un suicide. Quelques jours plus tard, Erlendur reçoit la visite de Karen qui lui affirme que ce n'était pas "le genre" de Maria de se suicider. Elle lui remet une cassette contenant l'enregistrement d'une séance chez un médium que Maria est allée consulter afin d'entrer en contact avec sa mère décédée deux ans plus tôt, qui lui avait promis de lui envoyer un signe de l'au-delà. Aussi dubitatif que réticent, Erlendur lui promet d'écouter l'enregistrement tout en lui répétant que ni l'enquête ni l'autopsie n'ont décelé le moindre élément suspect. L'audition de la cassette le convainc cependant de reprendre l'investigation à l'insu de tous..."

Depuis que j'ai découvert Arnaldur Indridason avec La femme en vert il y a un peu plus de deux ans, je suis ultra-fan. J'ai dévoré toute la série des enquêtes de l'inspecteur Erlendur. Seule, l'avant-dernière, Hiver arctique, m'avait un peu déçue, tout en étant tout de même bien. C'est dire !

Cet écrivain a du génie et de la magie. Et c'est ainsi que je qualifierais Hypothermie. Si vous aimez les fantômes et les revenants, si vous rafollez de la puissance de la nature islandaise, cette histoire est pour vous. Un bijou, une merveille. Je suis restée en extase un certain temps après avoir refermé ce livre (on ne rit pas, SVP). Comment cet écrvain parvient-il à nous toucher au coeur à chaque fois, c'est - presque-  un mystère... On peut également remercier le traducteur, Eric Boury de nous donner accès à ces pépites islandaises.

Cette fois, Erlendur n'est pas en enquête officielle. Personne ne sait qu'il fait des recherches, persuadé par l'amie de Maria (retrouvée pendue) que ce n'est pas un suicide mais un meurtre. Peu à peu, des "petites choses" sont mises à jour grâce à l'interrogatoire méticuleux auquel se livre Erlendur.Une trame policière traditionnelle donc. Cependant, les preuves sont là mais en même temps indémontrables, parce que le temps a passé. J'ai aimé le clin d'oeil à Marcel Proust et sa Recherche du temps perdu qui court tout le long du roman.
La fin révèle, comme toujours chez Indridason, une suprise et une petite vengeance de la part de l'inspecteur (ou du moins un règlement de compte à sa manière puisqu'il n'est pas officiellement en enquête policière et qu'en plus il ne peut rien prouver...). J'en dis déjà presque trop, alors je m'arrête là.


Seul conseil : lisez ce roman policier, au chaud, pour éviter l'hypothermie (voui, voui, parce que ça peut mener loin, l'hypothermie !...).

11 novembre 2011

Je ne suis pas d'ici

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4e de couverture : "Vid Cosic est un jeune Serbe de Belgrade, charpentier de métier, venu chercher un travail à Dublin. Dès son arrivée en Irlande il noue une amitié, très alcoolisée, avec un avocat, Kevin Concannon, à qui tout semble réussir, mais qui est résolu à taire le chaos familial dans lequel s’est déroulée son enfance. Immigré doué pour l’espoir, un peu naïf, Vid Cosic croît en l’avenir de l’espèce humaine et ne songe qu’à faire le bien autour de lui..."
(j'ai coupé la 4e de couverture qui en dit trop à mon goût - et que je n'avais pas lue avant de lire le livre, comme souvent).


Hugo Hamilton, pour ceux qui ne le saurait pas, est un "sang mêlé" : irlandais de père, allemand de mère. Autant dire qu'en matière de quête d'identité, d'émigration, de préjugés tenaces, de xénophobie, et de racisme il sait de quoi il parle. Père nationaliste, mère ayant fui l'Allemagne nazie, il s'est pourtant vu traité de nazillon etc pas ses compatriotes irlandais pour qui il était un étranger malgré un père plus Irlandais que la majorité des Irlandais.

L'Irlande qui était jusque-là une terre d'émigration et non d'immigration a vu les choses changer avec l'apparition du Tigre celtique. Pour un petit pays comme celui-ci (4 millions d'habitants en République d'Irlande), ce fut une donne nouvelle et aussi une crainte de voir déferler chez eux tant de gens des pays de l'Est (essentiellement) en quête d'une vie meilleure.

Ainsi, Vic le héros qui ressemble à un Candide serbe, tente coûte que coûte de s'adapter à son pays d'adoption, lui qui n'a plus de famille. Il n'est pas chômeur, il est charpentier et trouve du travail sans problème. Il est poli, gentil et sociable.  Il se lie d'amitié avec un certain Kevin, avocat irlandais dont la mère a une maison avec travaux à faire (même si à ses yeux, il n'en voit pas l'utilité). Il est grassement payé pour ce qu'il fait (au point de se demander comment les gens peuvent à ce point jeter l'argent par les fenêtres). Il est serviable. Kevin, que dès le début du roman, on juge un peu trop amical pour être totalement honnête ne tarde pas à dévoiler son vrai visage. Et là, ça craint...

Alors Vic ne comprend pas parce que "d'après ce qu'on [lui] avait raconté, les Irlandais avaient toujours été les innocents à qui on avat fait subir des horreurs par le passé. Ils n'avaient jamais voulu faire de mal à qui que ce soit. Ils étaient aimés de tous partout dans le monde. Alors chaque fois qu'un crime était jugé devant une cour, c'était un choc de constater que les Irlandais s'infligeaient aujourd'hui des choses qui ne seraient jamais venues à l'idée d'aucun oppresseur."

Vic essaie à tout prix de comprendre les codes de ce pays, de lire entre les lignes même s'il s'y casse les dents. Les autochtones, parfois de manière totalement maladroite, lui posent des questions qui reviennent à lui demander s'il est de ceux qui ont perpétré le génocide dans son pays. Mais dès que les choses tournent au vinaigre pour Vic, ses pseudo-anciens amis en font d'emblée et sans complexe un criminel contre l'humanité. Heureusement, tout n'est pas si noir et Vic rencontre tout de même des mains secourables. Ce qu'il apprendra en Irlande, c'est que les secrets de famille sont ce qu'ils sont, comme partout ailleurs dans le monde. Et que dès que ça sent trop le roussi, les pseudo-amis mais vrais traitres vous lâchent.
L'Irlande est comme le reste des pays du monde et les gens y sont comme partout ailleurs.

Hugo Hamilton écrit ici un roman corosif sur l'Irlande contemporaine tout en montrant qu'ici, c'est comme ailleurs : les humains valent ceux des autres pays. De part et d'autre, il s'attache à détruire les images d'Epinal. En prime, j'ai particulièrement apprécié l'écho tout le long de l'histoire, de l'énigme de celle qu'on appelle "la noyée de Furbo" dont le cadavre a été retrouvé à Inishmore, la plus grande des îles d'Aran où elle aurait donné le nom à un lieu-dit, Bean Bhaite (la noyée en gaélique). Sans doute elle aussi, une femme victime de l'intolérance.

J'affectionne particulièrement le style de Hugo Hamilton : très simple et sans fioritures mais à la tonalité à la fois cocasse, dramatique et lyrique.

Un roman qui parlera à n'importe quel expatrié, je pense.

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4 novembre 2011

Feuilles d'automne...

 

... que j'espère belles !

Deux romans policiers irlandais, dont la suite des Fantômes de Belfast (disponible en France en VO) pour l'Irlande du Nord:

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mais aussi un illustre inconnu pour moi  pour la République d'Irlande:

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4e de couverture : "En Irlande, l’argent coule à flots et la prospérité économique attise les convoitises. Après le braquage raté d’un pub, Frankie Crowe décide de monter en puissance et de kidnapper un riche banquier. Avec son pote Martin Paxton, il rassemble une équipe de petits malfrats et prépare l’enlèvement de Justin Kennedy. Mais le jour venu, rien ne déroule comme prévu, d’autant que Kennedy n’est pas banquier mais avocat d’affaires dans une banque… Tant pis, Crowe et ses compères enlèvent sa femme Angela et réclament une rançon d’un million d’euros. Commence alors pour la jeune femme terrorisée un long calvaire, brinqueballée de planque en planque. Mais les associés de Crowe, qui n’ont ni sa motivation ni son envergure, multiplient les bourdes. Très vite, la police se lance leurs trousses".

Et un roman policier écossais que j'espère kiltissime :

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4e de couverture : "Reporter de guerre, Terry Hewitt est retrouvé mort, abattu d'une balle en pleine tête sur le bord d'une route près de Glasgow. Pour la police, c'est un coup de l'IRA. Mais la communauté irlandaise de la ville dément cette accusation. Quel projet secret menait Terry ? Son amie, la célèbre journaliste Paddy Meehan, se sent constamment en danger avec son fils depuis qu'un inconnu l'a menacée, inconnu dont elle a retrouvé la photo dans les papiers de Terry. Elle n'a plus qu'une solution : découvrir pourquoi on l'a tué."

Mes PAL irlandaise et écossaise deviennent tout à fait déraisonnables... :-).

31 octobre 2011

Retour à Killybegs

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4e de couverture : "Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L'IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes que je n'ai même jamais rencontrés. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j'en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi, et j'enrage. N'écoutez rien de ce qu'ils prétendront. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m'avoir connu. Personne n'a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence.

Killybegs, le 24 décembre 2006
Tyrone Meehan"

Chose - presque - promise, du moins annoncée, voici mon billet sur Retour à Killybegs. Autant dire que je n'en suis pas sortie tout à fait indemne de ce roman. La fin de la fin (c'est-à-dire l'épilogue) m'a fait l'effet d'un coup de poing, parce que même si on pouvait se douter (un tout petit peu) de l'identité des assassins, le voir écrit et révélé, ça m'a effrayée.  

Ce roman est l'histoire d'une désespérance, d'un secret, d'une solitude. Si Mon traitre adoptait le point de vue du Français trahi par son ami irlandais, ici Sorj Chalandon s'est glissé dans la peau du traitre irlandais, Tyrone Meehan.

Cet homme est né au début du siècle. Il a vu son père, un homme du Donegal,  perdre ce qui était sa guerre, celle contre les Britanniques : en 1921, l'Irlande est partagée en deux, suite à un compromis signé par Michaël Collins, membre de l'IRA. L'Irlande sombre alors dans la guerre civile, entre partisans de la partition de l'Irlande et ceux qui la refusent. L'Irlande unie, c'est fini, au grand désespoir de Patraig Mehan dont le cri de guerre restera "Eirinn go Brach !" ("Irlande pour toujours!").
A sa mort, chassée par la misère, la famille passe la frontière et va s'installer à Belfast, en Irlande du Nord chez un oncle. L'Irlande du Nord, territoire britannique est en guerre contre l'Allemagne nazie. L'Irlande "libre" est neutre. En Irlande du Nord, parce que l'Irlande n'est pas en guerre contre l'Allemagne, on caillasse alors les Irlandais, on peint sur leurs portes "dehors, les traitres papistes", et on brûle leurs maisons. "Chassé" de [son] village par la misère, banni de [son] quartier par l''ennemi", Tyrone, 16 ans, en vient rapidement à la conclusion "L'IRA, moi". Son engagement est une évidence. Parce que "c'était un espoir, une promesse. C'était la chair de [son] père, sa vie entière, sa mémoire, sa légende. C'était sa douleur, sa défaite, l'armée vaincue de [son]pays".

Alors, comment Tyrone en viendra-t-il à trahir les siens pendant plus de vingt ans? Telle est la question qu'on se pose pendant toute une partie de ce roman aux émotions fortes.  Pourquoi est-il passé à l'ennemi, à ceux qu'il détestait tant ? C'était un pari risqué de répondre à cette question quand le romancier lui-même fait partie des personnes trahies, même en passant par un personnage de fiction.
C'est pourtant un pari réussi et un tour de force. Sorj Chalandon donne à voir le cheminement de cet homme, sans le juger. Tyrone est un désespéré, celui qui porte en lui un lourd secret qu'aucun des deux camps ne connaît. Du moins le croit-il. C'est un homme seul. Un homme pris dans la spirale infernale de cette guerre civile qui ne disait pas son nom (on parlait et on parle toujours en Irlande et en Grande-Bretagne, très pudiquement des "troubles"!!). C'est aussi un homme qui doute de lui-même et de ses actes, celui qui se juge en permanence, un homme qui souffre et qui culpabilise : "Avant même d'être un traitre, je devenais encombrant." 

La narration se fait sur un aller-retour entre le présent du narrateur, celui de Tyrone retourné à Killybegs en décembre 2006, après s'être dénoncé à l'IRA et son passé. Le lecteur est aspiré dans le tourbillon de l'histoire irlandaise et en particulier le bourbier nord-irlandais. Il passera quelques mois en prison avec le narrateur. Parce que ce livre est aussi une page de l'histoire de l'Irlande tout à fait instructive pour le lecteur francophone qui l'ignorerait. Non, les grèves de l'hygiène ce n'est pas de la fiction !!! Oui, Thatcher a laissé mourir les grèvistes de la faim (voir d'ailleurs l'excellent film Hungry).

On ne saura jamais la vérité sur la raison de cette traitrise. La fiction émet une hypothèse sans en faire pour autant une obsession. Parce qu'en fin de compte, l'essentiel n'est pas tout à fait là. La narration est celle d'une souffrance.

Un livre que l'on peut lire sans avoir lu Mon traitre, même si avoir lu les deux, c'est mieux ! J'avais été émue par le premier roman autobiographique, j'ai été bouleversée par Retour à Killybegs. Un excellent livre où l'écrivain a banni colère et rancune vis-à-vis de son traître. Il lui laisse la parole. Une plume qui va à l'essentiel, à la fois acérée et pudique mais douloureuse.

 Difficile d'écrire un billet sur un tel roman !

 

28 octobre 2011

Grand prix du roman de l'Académie française : Retour à Killybegs

 

Une nouvelle qui m'a fait particulièrement plaisir : Sorj Chalandon vient d'obtenir le Grand prix du roman de l'Académie française pour :

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Après avoir été émue par Mon traitre, je suis en train de terminer Retour à Killybegs. Je vous en reparle bientôt mais je peux d'ores et déjà vous dire que c'est  amplement mérité !

Ce roman est par ailleurs encore en lice pour le Prix Goncourt et le Prix Interallié.

25 octobre 2011

Les fantômes de Belfast

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4e de couverture : "Signé le 10 avril 1998, l'Accord de Paix pour l'Irlande du Nord a mis un terme à des années de guerre sanglante. Pourtant les anciennes haines n'ont pas totalement disparu. Depuis qu'il est sorti de prison, Gerry Fegan, ex-tueur de l'IRA, est devenu dépressif et alcoolique. Il est hanté par les fantômes des douze personnes qu'il a assassinées et ne connaît plus le repos. Le seul moyen de se débarasser de ces ombres qui l'assaillent est d'exécuter un par un les commanditaires des meurtres. Dont certains sont aujourd'hui des policiens en vue dans la "nouvelle Irlande". Gerry Fegan est devenu dangereux, il faut s'en débarasser. Une double chasse à l'homme commence..." 

Le hasard veut que je termine ce livre en période d'Halloween ! Si vous aimez les histoires de fantômes, je ne peux que vous encourager à lire ce thriller nord-irlandais dont l'auteur, Stuart Neville, est pour la première fois traduit en France. Vous ne serez pas déçus pour les émotions fortes !

Gerry Fegan est un ancien de l'IRA, qui après avoir tué douze personnes et des années de prison à Maze, a rangé les armes et son engagement pour "la cause". Pourtant, ses victimes se mettent à le hanter, elles hurlent leur douleur et ne lui lâchent plus les baskets ni la tête. Douze fantômes lui demandent justice, c'est-à-dire la mort des vrais assassins : ceux qui l'ont manipulé et payé pour effectuer la basse besogne. Gerry se dit qu'en faisant ce qu'ils lui demandent, il retrouvera la paix. Chaque fantôme désigne au fur et à mesure son bourreau. Et quand il ne comprend pas, Gerry les interroge. Les cadavres s'amoncelent parmi les membre de l'IRA encore actifs, des petites frappes, de la pourriture nauséabonde, appâtée par une place au soleil pour ceux qui sont restés dans l'ombre, ou par toujours plus de pouvoir et d'argent pour ceux qui ont intégré la scène politique nord-irlandaise.

En effet, nous sommes en 2007, 9 ans après les accords de paix de 1998. Tout semble en voie de pacification, c'est du moins la version officielle qu'entretiennent les membres du gouvernement quel que soit leur camp. La paix c'est côté scène, avec strass et paillettes ou presque. Mais côté jardin, c'est moins rutilant...

Autant vous dire tout de suite, Sutart Neville ne fait pas dans la dentelle. Il signe ici un polar cinglant, violent, dérangeant, le tout dans une atmosphère paranoïaque étouffante. Pourtant, une fois entamé, on ne peut plus lâcher ce roman au rythme effrené et au suspense hâletant. 
Le romancier dresse un portrait de l'IRA qui brise l'image angélique qu'on pourrait en avoir. Ici ce ne sont que racaille et compagnie qui n'hésitent pas à régler leur compte entre eux. A tel point qu'ils ne s'aperçoivent même pas qu'il y a une vraie taupe parmi eux : un vilain Ecossais ! (Cryssilda, désolée !!).

C'est un portrait inquiétant qui est fait ici de l'Irlande du Nord où la scène politique ressemble à un panier de crabes. Pourtant, à sa manière bien singulière, ce thriller est aussi une hymne à la paix.
Gerry veut justice et vérité. Tout comme Marie McKenna, nièce du premier type de l'IRA que Gerry abat. Parce que autrefois elle a eu une liaison avec un flic de la RUC * (et un enfant... même si la paternité reste à prouver !), elle a été rejetée par sa famille et sa communauté, qui a estimé que c'était un acte de trahison. Quant à Gerry, sa mère lui a fermé sa porte à tout jamais,  pour les gens qu'il a assassinés autrefois. Marie et Gerry se retrouvent pris en chasse.
Autant dire que ces deux personnages incarnent une nouvelle Irlande du Nord, celle des gens qui aspirent maintenant à la paix et au bonheur après plus de trente ans de conflit. La fin du roman leur laisse cet espoir. D'autant que les "vilains pas beaux" du roman finissent tous par mourir. Ils sont d'un autre âge, celui dont on ne veut plus entendre parler.

J'ai particulièrement apprécié la forme originale qu'emprunte ce roman qui frôle avec le fantastique, surtout dans la première partie du récit. J'ai moins apprécié la très longue scène sanglante qui se déroule dans la grange du patriarche de l'IRA, O'Kane (on finit par se demander où sont passés les fantômes, d'ailleurs!). Un peu plus courte, elle aurait été aussi efficace !

Mais en tout état de cause, Stuart Neville signe ici un thriller remarquable qui va certainement me hanter pendant un bon moment !

Je laisse la dernière phrase à Gerry observant Ellen, cinq ans, la fille de Marie : "Il pensa qu'une fois adulte, elle n'aurait jamais à subir la peur, terrible, incessante, qui avait étouffé cette ville pendant plus de trente ans".

* RUC = Police royale d'Ulster qui recrutait essentiellement dans la communauté loyaliste et protestante.

 

Quelques mots sur l'auteur pris sur la 4e de couveture :"Originaire d'Armagh, en Irlande du Nord. Après des études de musique, il s'est consacré au design multimédia". Peu de choses sur lui donc. Mais il possède un site internet  et c'est ici.

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Je remercie vivement Babelio et les Editions Payot & Rivages pour l'envoi de ce livre.

22 octobre 2011

La malédiction des Brault - Tome 1

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4e de couverture :"En 1903 Jacques Brault, un jeune provincial ambitieux et rêvant d'exotisme, quitte la France et s'embarque pour la Côte dIvoire, alors territoire de l'Afrique Occidentale Française. Rapidement promu administrateur du cercle d'Assinie, Jacques poursuit une brillante carrière et est remarqué de ses supérieurs qui le pressentent pour le poste de gouverneur. Sa voie semble toute tracée, mais la solitude de lexpatrié commence à lui peser. La compagnie de son fils mulâtre et de sa maîtresse indigène ne suffisent plus à combler le vide de son existence. La visite inopinée d'un vieux colon va bouleverser son destin. Jacques rentre en France pour épouser Jeanne, une amie d'enfance. Emportés dans la spirale d'un amour exclusif, les Brault vont devoir surmonter les tourments de la passion, la trahison et les révoltes indigènes qui annoncent la fin de la colonie... Survivront-ils à ce maelstrom ? « La Malédiction des Brault » est le premier volet d'une saga romantique et historique où l'histoire et la passion se mêlent et nous transportent de l'Afrique au vieux Continent. Jacques, la belle Jeanne, Oubliette, le roi mulâtre et Dédi la guérisseuse vont nous faire vivre les bouleversements de l'Histoire."

En lisant la 4e de couverture, j'ai été attirée par le fait que cette fiction se déroule en Côte d'Ivoire, d'autant plus qu'on nous annonce un rendez-vous avec l'Histoire. C'est un pays qu'on connaît mal en France et je pensais en apprendre davantage. J'aurais dû me méfier du terme "saga"...

Pendant une bonne centaine de pages, on se dit que tout est vraiment trop idyllique dans la vie du héros, Jacques Brault, jeune homme parti en Côte d'Ivoire par goût pour l'aventure. Tout lui sourit. Même son amie d'enfance, Jeanne Dupuy, qu'il n'a pas revue depuis des années, accepte de l'épouser sans hésitation malgré un fils qu'il a déjà eu avec sa maîtresse indigène. D'emblée, elle adore le petit Pierre et se fiche complètement d'être rejetée par les autres femmes de colons qui ne comprennent pas cela. Jacques et Jeanne sont des colons "nouvelle génération", loin des préjugés de leurs aînés. Du moins c'est ainsi qu'on les pressent dans un premier temps. Ils sont parfaits, jeunes, beaux, amoureux et généreux. C'est trop beau pour être honnête.
Le miroir se brise quand Jeanne, enfin enceinte, après de vaines tentatives, perd son fils, Jean, qui meurt à l'âge de six ans, dans d'atroces souffrances suite à une forme virulente de paludisme : "Une dernière convulsion, plus abominable que les autres, un râle affreux et l'enfant resta raidi, le corps arqué, ne reposant plus que sur la nuque et les talons. Puis doucement il s'affaissa pour rester inerte à jamais". Dès lors, Jacques délaisse Jeanne et se réfugie dans le travail, Jeanne sombre dans la dépression et se met à détester Pierre. Dans un accès de folie, elle le chasse de la maison. Pierre, rejeté, part travailler aux chemins de fer. Délaissé par sa famille, insulté à longueur de temps par ses collègues qui jalousent ce mûlatre fils d'administrateur, finit par battre à mort le chef d'atelier (du moins c'est ce qu'il croit). Il s'enfuit, est recueilli par une tribu locale. Empli de haine il décide de se venger des Blancs, devient le "roi mûlatre" et fait la guerre... à son père ! Evidemment ça finit mal !

J'ai presque tout dit de l'histoire, une histoire pressentie depuis le début, certes avec de nombreux rebondissements mais que j'avais devinés !
C'est bien le défaut de ce roman : on devine tout car les ficelles sont un peu grosses. Une oeuvre agréable à lire cependant, mais qui fait trop dans le "cliché". J'espérais apprendre quelque chose sur l'Histoire de la Côte d'Ivoire, mais ce ne fut pas le cas. J'attendais quelque chose de plus fouillé, de moins superficiel. Un roman très conventionnel donc.

Je remercie Les Agents littéraires et Mon Petit Editeur pour l'envoi.

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