Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mille (et une) lectures
Visiteurs
Depuis la création 87 458
Derniers commentaires
Archives
Mille (et une) lectures
28 mai 2012

La rivière noire

51hSMQhMjnL

4e de couverture : "Le sang a séché sur le parquet, le tapis est maculé. Egorgé, Runolfur porte le t-shirt de la femme qu'il a probablement droquée et violée avant de mourir. Sa dernière victime serait-elle son assassin ? Pas de lutte, pas d'arme. Seul un châle parfumé aux épices gît sur le lit. L'inspecteur Elinborg enquête sur cet employé modèle qui fréquentait salles de sport et bars... pour leur clientèle féminine."

Dans cet "épisode", l'inspecteur Erlendur Sveinsson brille par son... absence. En effet, suite à ce qu'il a découvert dans Hypothermie, il a décidé de faire un break dans la région de fjords de l'Est, région de son enfance où s'est déroulé le précédent drame. C'est ici son adjointe, Elinborg qui mène donc l'enquête. L'occasion pour le lecteur d'entre-apercevoir Erlendur sur une autre facette - bien que ce ne soit pas le sujet du livre - celui d'un homme qu'Elinborg considère comme d'un autre âge. Elle ne partage pas tous ses points de vue. Contrairement à Erlendur, elle pense qu'il faut faire avec son temps et ne pas toujours se retourner sur le passé de manière nostalgique. Mais cela ne l'empêche pas de s'inquièter pour son collègue dont elle trouve l'absence inquiétante par sa durée.
Nous découvrons ici aussi la vie de ce personnage féminin jusque là secondaire : mère de quatre enfants (dont un adoptif), divorcée et remariée avec un mécanicien, elle trime avec l'un de ses garçons en période d'adolescence..., un de ces gamins pour qui considère comme normal d'exposer sa vie privée sur le net à travers un blog.

Cependant, l'enquête dans laquelle l'inspectrice est plongée ne lui laissera guère le temps de s'occuper de sa petite famille et de se consacrer à son hobby favori : la cuisine indienne ! C'est pourtant par la piste culinaire qu'elle va avancer, du moins au début, aussi étrange que celui-là puisse paraître. Une manière originale d'entrer en matière ! Un homme est retrouvé chez lui égorgé, après avoir, semble-t-il violé sa victime qui elle-même a disparu.

A la manière d'Agatha Christie, Arnaldur Indridason entraîne le lecteur sur l'histoire d'un cadavre, son héroïne est la reine de l'interrogatoire et elle n'exclut aucune piste. L'enquête n'avance guère pendant toute une partie du roman, on la suit dans ses pérégrinations qui la mène de Rekjavik à un village perdu d'Islande, à la rencontre de ses habitants, ceux ayant connu la victime dès son plus jeune âge; elle interroge aussi ses voisins du quartier de Thingholt à Rekjavik qui le connaissaient adulte, son employeur, etc. Une méthode policière tout à fait classique, mais qui révèle un des faiblesses et l'un des tabous de la société islandaise contemporaine.

En effet, Arnaldur Indridason fait ici la part belle à la thématique du viol des femmes, à leur sentiment de culpabilité qui les enferme dans le silence et les conséquences de ce silence, à l'omerta du reste de la société pour qui ce sujet reste tabou et aux failles d'un système qui fait que les coupables ne seront pas punis à la hauteur de leur crime : "Que peut-on faire quand le système est de mèche avec les salauds", s'interroge un personnage. Justice soi-même ? Mais ce n'est pas la solution non plus. Reste qu'ici, Elinborg ne pourra jamais dresser le vrai portrait du coupable, lui-même victime, puisqu'il est mort. Reste les suppositions tout à fait fondées, celui d'un psychopathe "ordinaire" (si l'on peut dire) : "Elle pensait à Runolfur, à cette méchanceté qui l'habitait et qui coulait au fond de sa conscience telle une rivière noire, profonde, froide et tourmentée".

Arnaldur Indridason pose ici de bonnes questions dans un roman policier prenant que j'ai dévoré ! Cela dit, ce n'est peut-être pas mon préféré dans la série : je préfère les enquêtes avec Erlendur qui pose un regard plus approfondi sur l'histoire de son pays. Même si j'ai passé un très très bon moment ! J'ai hâte de découvrir La muraille de lave - qui vient de paraître aux éditions Métailié.

 

 

Publicité
12 mai 2012

Nuage de cendre

images

4e de couverture : "En 1783 des éruptions volcaniques apocalyptiques recouvrent l'Islande de cendre, détruisent les récoltes et provoquent une famine. C'est dans ce pays dévasté que deux représentants de l'autorité coloniale danoise vont s'affronter dans un conflit qui sera jugé par l'assemblée populaire traditionnelle.
La rivalité des deux hommes se cristalise autour de deux orphelins, Sunnefa, considérée, à dix-huit ans, comme la plus belle femme de l'île, et son frère cadet Jon, coupables d'inceste et victimes de la société traditionnelle luthérienne. Les paysans qui observent les faits forment le choeur pluriel qui commente la tragédie et permet une grande diversité de points de vue, voix, lettres et journaux des protagonistes qui font lentement progresser le mystère autour du crime central.
La nature est un personnage à part entière, les glaciers, les déserts et les torrents intensifient les sentiments et les haines qui se développent. La présence du mal devient palpable dans cet impitoyable duel à mort."

Autant le dire tout de suite : ici noir c'est noir ! Le roman ne comportent que 236 pages mais je ne suis parvenue à le lire qu'à petite dose tant l'atmosphère est pesante et étouffante. Dominic Cooper, qui est écossais, parvient à se saisir de ce fait divers islandais réel pour en restituer toute la tragédie supposée. L'écrivain a lu toutes les versions de l'histoire qui existait, certaines étant totalement différentes. Il constate cependant qu'"il manque, dans l'ensemble, les motifs éventuels ainsi que les conclusions définitives". Ce qui est certain, cependant, c'est le contexte historique : "L'Islande était au XVIIIe siècle une colonie danoise - ce qu'elle fut d'ailleurs de 1380 à 1918. Et comme ce fut le cas dans toutes les colonies, il y régnait une certaine animosité entre colons et indigènes. Mais, dans ce cas particulier, je pense que les griefs des indigènes envers leurs maîtres étaient encore plus justifiés qu'en temps habituel.
La principale raison de ces griefs était un monopole commercial, qui perdura jusqu'en 1770, instituant que les Islandais pouvaient faire commerce uniquement avec des marchands danois. Se sachant sans concurrents, ces derniers étaient souvent coupables non seulement de proposer des cours de change ridiculement bas mais aussi de vendre à la population islandaise des produits avariés."
Famine et épidémies se développent, amplifiées par des conditions météorologiques désastreuses et des éruptions volcaniques exceptionnelles. L'Islande, à cette époque, c'est le chaos. Si vous ne connaissez pas les symptômes de la variole (appelée aussi "petite vérole"), soyez bien accroché et ayez le coeur solide ! Avec Dominic Cooper, c'est un peu comme si c'était vous qui étiez contaminé !
On pourrait presque dire qu'à côté de cela, l'intrigue du fait divers, celui d'un inceste entre Jon et Sunnefa, frère et soeur orphelins, n'est rien, d'autant que ce n'était pas si exceptionnel que cela à l'époque. Il en naîtra un enfant. Puis un deuxième, dont le père n'est pourtant pas celui que l'on croit. Ce n'est d'ailleurs pas sur l'affaire d'inceste que focaliste l'écrivain, mais plutôt sur la haine qu'entretiennent deux shérifs : Hans Wium (un Danois) et Pétur Thorsteinsson, le flou, l'incertitude des faits, mais où la folie de l'un (Pétur), parviendra à ternir la réputation de l'autre, durablement, l'affaire Sunnefa Jonsdottir étant une aubaine.

Reste que, le récit est édifié sur plusieurs strates temporelles. Le narrateur principal, le médecin Gunnar Thordarson, 74 ans, raconte en  juin 1804 ce qu'il sait sur l'affaire Sunnefa à Kjartan Hardarson, dix-sept ans, parce que ce dernier juge le shérif Hans Wium comme un parfait salaud. Gunnar commence son récit à l'époque des feux de la Skafta de l'été 1783, où une épruption volcanique exceptionnellement longue et intense plongea la région dans le chaos, ce dont elle n'avait déjà pas besoin... Puis nous passons à 1788, puis à l'histoire de Jens et Thorsteinn entre 1718 et 1740 ; à l'affaire Sunnefa entre 1739-1743 etc.

Les narrateurs se multiplient sans que le lecteur en soit averti, ce qui, dans mon cas, a un peu perturbé ma lecture, d'autant que les personnages de ce roman sont très nombreux, avec des noms qui semblent compliqués pour un francophone (pourtant, j'ai l'habitude mais là, je dois avouer que parfois, j'étais perdue !) : Sunnefa Jonsdottir, Jon (son frère), Hans Wium, Einar Eyjolfsson, Solrun Halfidadottir, Pétur Thorsteinsson, Jens, Gudny, Gudrun, Sigudur, Gunnar Thordarson etc...

Reste l'écriture magistrale de Dominic Cooper qui fait que ce livre vaut quand même le détour, même si sa lecture n'est pas toujours de tout repos. Et écrire un billet sur ce roman non plus, parce qu'il est foisonnant !

Avis aux amateurs de nature rude et sauvage, de coins perdus : ils ne seront pas déçus.

Voir aussi le billet de Cyrissilda.

 

 

7 mai 2012

Repérages...

 

J'attends avec impatience de lire :

41O55VofGcL

(parution le 18 mai)

 

mais aussi...

51aByAivCIL

et

51kFzTcGrbL

Avis aux amateurs !

1 mai 2012

Une si longue histoire

41oZFysmlqL

4e de couverture : " Sur les conseils de son fils imprimeur, July entreprend le récit de sa vie en Jamaïque, en ce XIXe siècle qui voit l'abolition de l'esclavage. Née sur la plantation Amity, elle est la fille d'une "esclave des champs", travaillant dans les pièces de canne à sucre. La soeur du planteur, Caroline Mortimer, tout juste débarquée d'Angleterre, s'attendrit sur cette petite négresse et l'arrache à sa mère..."

J'écourte le résumé du livre de l'éditeur qui raconte toute l'histoire ! Ce qui est sur, c'est que ce roman ne conte pas une histoire d'amour mais une abomination ! Il décrit avec brio tout l'infâmie d'une époque, pas si lointaine (l'histoire se situe au début du XIXe siècle) où certains êtres humains avaient la certitude que d'autres êtres humains étaient inférieurs à eux. Cette histoire se déroule sur une île des Antilles qui appartenait alors à l'Angleterre (par ailleurs si puritaine et bien pensante...) mais elle aurait parfaitement pu se dérouler sur une île des Antilles françaises.

Pourtant, July, aujourd'hui vieille femme, raconte l'Enfer de la plantation d'Amity sans pathos et même avec beaucoup d'humour parfois. Elle était une jeune femme au caractère bien trempé mais également très intelligente, sachant parfois manipuler sa "missus", Caroline Mortimer. Elle a parfaitement compris que celle-ci a peur des Noirs mais surtout qu'elle est infiniment seule (parce que son frère meurt rapidement dans l'histoire) et qu'elle a besoin de ses esclaves pour faire tourner sa plantation. Donc, contrairement aux apparences, c'est également parfois l'esclave qui a pouvoir sur sa maîtresse.

Cette femme blanche n'étant même pas capable de comprendre pourquoi son esclave domestique s'appelle July ("juillet", en anglais), elle va jusqu'à la rebaptiser Marguerite... Cela montre toute la bêtise de Caroline, mais aussi toute sa méchanceté profonde : tout au long du roman, July raconte comment celle-ci n'aura de cesse de la démunir de tout, mais vraiment de tout (je ne peux pas révéler le pire du pire qu'elle parvient à faire), en partie pour se venger. Parce que July est aussi une très belle femme, ce qui n'échappera pas à l'oeil d'un certain Robert Goodwin, Anglais, fils de pasteur, tiraillé entre ses principes anglicans, le "qu'en dira-t-on" et son désir pour July... Seulement voilà, sur l'île la tentation, où tout le monde essaie de manipuler tout le monde, ça donne parfois des choses étranges.

Andrea Levy n'épargne pas le racisme entre esclaves, celui où les quaterons (métis de métis), se sentent supérieurs aux Noirs. Un piège dans lequel tombera July, qui clame haut et fort qu'elle n'est pas noire mais mulâtre (ce qui est vari car elle née d'un père écossais, même si elle est noire comme l'ébène). L'écrivain soulève ici la quête d'identité des personnages esclaves, qui, pour se sentir exister, en viennent parfois à être aussi odieux que leurs maîtres. Mais elle y dénonce surtout avec brio toute l'hypocrisie d'une société anglaise, bien-pensante, qui en proclamant l'abolition de l'esclavage, fera tout pour mettre les anciens esclaves à terre.

On adore July dans ce livre, qui interpelle constamment le lecteur en expliquant qu'elle n'est pas douée pour raconter sa vie. Mais aussi, parce que c'est un personnage pudique, elle réécrit certains passages, édulcore la réalité parce qu'elle a honte, ce qui met son fils Thomas, imprimeur, en rage. Donc July reprend sa plume pour rétablir la vérité.

Le roman se termine par la voix de Thomas, qui lance au lecteur un avis de recherche sur sa demi-soeur Emily,  tout en le mettant cependant en garde : "En Angleterre, la découverte de sang noir dans une famille n'est pas toujours accueillie avec joie."

En cette période de présidentielle qui a vu ressurigir l'Immonde et le Puant, je dirai que c'est un roman à mettre entre certaines mains, de toute urgence.

Sur ce, je vous souhaite un très bon 1er-Mai !

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Newsletter
21 abonnés

 

6a00e54efb0bbe8833014e8b4ad663970dSélection de livres ICI

 

Suivez-moi sur Facebook  ICI

Classement BABELIO :

 

 

exptirlande

Publicité