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31 août 2015

A la poursuite du Grand Chien Noir

 

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A travers les mots de Marie Hermet
Illustré par Chris Judge

Simon et Gloria vivent avec leurs parents à Dublin. Ils ont un oncle qu'ils adorent, oncle Ben.  Un jour leurs parents annoncent qu'Oncle Ben va venir vivre avec eux, "le temps que les choses s'arrangent pour lui". Oncle Ben a des soucis à cause de la récession qui ravage le pays. Les chiens de la ville ont senti le vent venir avant tout le monde, ou plutôt le Grand Chien Noir. Une drôle de chose arrivée dans la nuit, "dans un nuage - en fait c'était lui, le nuage". Une drôle de chose qui "prit peu à peu la forme d'un chien et la forme de chien devint un chien". Rien à voir donc avec les sarcastiques chiens de Dublin (oui, "les chiens, surtout à Dublin, sont facilement sarcastiques. Vous n'avez qu'à bien écouter leurs aboiements, en particulier le matin, vous verrez") !
La vie familiale de Simon et Gloria va être chamboulée : Gloria doit partager sa chambre avec son grand frère et dormir sur un matelas à même le sol. Même si elle adore Oncle Ben, son lit et sa chambre lui manquent ; Simon n'apprécie pas trop de devoir dormir dans la même pièce que sa petite soeur, même si c'est quand même bien rassurant pour un gamin qui a peur du noir. Oncle Ben est triste, leurs parents semblent inquiets. Les soirées se remplissent de chuchotements et de murmures. Les deux gamins tentent de percer le mystère de tout cela et un jour, ils entendent leur grand-mère déclarer que "le Grand Chien Noir de la Dépression s'est installé sur les épaules" de Ben. La grand-mère n'en est pas à sa première rencontre avec ce chien là, mais elle ne l'a pourtant jamais vu aussi féroce et virulent. Toute la ville est atteinte : le Grand Chien Noir a tout simplement volé le coeur à rire de Dublin.
Les enfants se sauvent dans la nuit pour attraper le Grand Chien Noir et récupérer le coeur à rire de la ville. C'est le début d'une trépidante aventure, fantastique à souhait mais dans un contexte très réel et contemporain. L'occasion d'un road trip dublinois nocturne peuplé de mots aux pouvoirs magiques, de rires, de frissons et d'animaux qui parlent.

Les vrais animaux de Dublin, qu'ils soient sauvages ou domestiques sont tous adorables.

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Lui, c'est Fang, un gentil bâtard énorme mais inoffensif. Fang est un chien "trop content" pour être le Grand Chien Noir. Il a une manière bien particulière de manifester son enthousiasme  (allez, je le dis : il pète) ! Un chien anglais ne ferait jamais ça, mais n'oubliez pas, vous êtes à Dublin !

Et quand on est à Dublin, on ne peut pas faire l'impasse sur les mouettes, à moins d'être sourd et aveugle. De vrais petits soldats qui aideront Simon et Gloria, et tous les gamins de la ville qu'ils entrainent dans leur aventure, à combattre le Grand Chien Noir de la Dépression.

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Au Zoo de Phoenix Park, on croise Kevin le suricate sautillant qui encourage tout ce qu'il peut les gamins.

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On rencontre même un troll, sous le pont de bois de Bull Island,  dont le Grand Chien Noir a déprimé sa maman !

Les animaux et les enfants sont les héros de Roddy Doyle. Grâce à eux, le lecteur se paie de bonnes tranches de rire dans une cavalcade nocturne un peu loufoque, qui semble sans fin, à travers les rues de la ville, puis les docks, la plage, Clontarf... (il y a même un gentil faux vampire dans l'équipe!).

Et puis il y les batailles de mots magiques, presque dignes d'un bataille de Clontarf !
Le mot magique le plus célèbre en Irlande  est traduisible par Génial (en VO, brillant), que les Irlandais vous servent à toutes les sauces et toutes les occasions. Un mot chargé d'optimisme et d'humour, un mot qui fait rire, qui illumine la vie les visages. C'est LE mot des enfants de Dublin pour combattre le Grand Chien Noir. Le mot qu'ils vont hurler et brailler dans les rues noires. Un mot chargé d'énergie positive et de joie de vivre que le Grand Chien Noir de la Dépression déteste. Un mot qui les entraînera à faire des concours d'expressions loufoques pour garder le moral.

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Le Grand Chien Noir, son expression à lui, est tout le contraire de "génial" : c'est "Bons à rien", "nuls" . L'insulte pour tenter d'atteindre psychologiquement les gens qui finissent par croire, effectivement qu'ils le sont. L'expression consacrée pour tuer. Une expression noire, méchante, toute moche. A l'image du Grand Chien Noir

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Un roman bourré d'humour, joliment illustré qui fait la part belle à l'avenir de l'Irlande : les enfants.

 

Un roman original dans sa conception, un peu foufou - mais ça c'est totalement irlandais ! Une belle manière d'expliquer la crise économque aux enfants, avec humour et une touche d'optimisme non négligeable.  Un roman dublinois d'ailleurs dédié aux mouettes de Dublin.

Maintenant, il ne me reste plus qu'à retourner visiter Dublin pour la énième fois, et à écouter attentivement tous les chiens, les mouettes, les flamants roses et les suricates...

Il se trouve que j'avais acheté ce roman avant même de savoir qu'il serait publié en France. Je l'ai donc lu deux fois et je me suis éclatée deux fois, comme une gamine !
Roddy Doyle vous donne le coeur à rire, le coeur à rire de Dublin !

Un joli livre jeunesse pour la rentrée littéraire.
Le 2 septembre dans toutes les bonnes librairies
A lire de 10 à 110 ans.

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Mille mercis à Flammarion Jeunesse pour l'envoi du livre.

 

 





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30 août 2015

Le crime du comte Neville

 

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Un jour le comte Neville cherche sa fille qui a mystérieusement disparu. Il la retrouve chez une voyante qui, par la même occasion qui prédit qu'il tuera un invité lors de sa dernière garden-party. Le comte, qui se prénomme Henri, crie à la foutaise, récupère sa fille qui s'appelle Sérieuse. Ambiance ! Il tente d'instaurer le dialogue avec Sérieuse pour savoir ce qui l'a pris d'aller dormir en pleine forêt. Sérieuse lui dit en avoir tout simplement qu'elle en avait envie, sans plus d'explication. Sérieuse est un personnage mystérieux : à l'âge de douze ans et demi très exactement, elle est passée de l'état d'une gamine pleine de joie de vivre à son contraire. Elle avoue à son père qu'elle a entendu sa conversation avec la voyante et qu'elle a la solution à son problème : au lieu de tuer un ou une invité(e), Henri n'a qu'à la tuer elle!  Bien évidement le père s'épouvante encore davantage. Tuer un invité était déjà une chose totalement inconcevable pour lui (on le comprend !) mais tuer sa fille, c'est à se demander si celle-ci n'est pas complètement "frappée". On se retrouve en pleine tragédie racinienne avec des allusion à Iphigénie, Agamemnon etc. Sans compter que pour frère et soeur, Sérieuse a Oreste et Electre.

Amélie Nothomb nous immerge au coeur de la noblesse belge au bord du gouffre financier et psychique. Le roman commence comme un conte, avec d'ailleur une allusion à Oscar Wilde explicite : celui du Crime du lord Arthur Savile (que je n'ai pas lu). Mais aussi à Rimbaud et Radiguet. Mais pour moi, cela s'arrête là et je me suis bien ennuyée avec ce bouquin. Autant ennuyée que je me suis amusée et vraiment éclatée avec le truculent Pétronille.

Reste quelques phrases bien trempées qui font que j'apprécie Amélie Nothomb depuis toujours :

"Pourquoi a-t-on inventé l'enfer alors qu'il existe l'insomnie ?"

"Sa pire terreur demeurait que le Pluvier soit racheté par une chaîne de fast-food qui raserait les vieux murs et la forêt pour construire un restaurant, un parking, et une aire de jeux à la gloire de Disney."

"Dans tout roman honorable, quand un fusil est mentionné, il faut qu'il serve."

Servira-t-il ? Toute l'intrigue repose sur : le comte va-t-il tuer un invité ? Puis le comte va-t-il tuer sa fille ? (parce que la bougresse finit par tellement lui taper sur les nerfs que... )

Un portrait au vitriol de la noblesse belge aux abois qui aurait pu être sympa si tout cela était un peu plus étoffé (ou moi peut-être un peu plus cultivée pour ressentir tous les palimpsestes cachés derrière ce texte. Il est d'ailleurs beaucoup questions de "ressentis" dans ce roman qui m'a laissée de marbre. Et ça me fend le coeur.

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26 août 2015

Un hiver en enfer

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Edward habite à Ville d'Avray, dans la banlieue chic de Paris. Il fréquente en guise de lycée, un institut privé catholique de Rueil Malmaison. Il est issu d'un milieu aisé : son père est riche et connu, sa mère est une ancienne pianiste à succès qui a arrêté sa carrière à la naissance de son fils.
Tout pourrait aller pour le mieux pour cet ado qui semblent à l'abri des soucis matériels. Pourtant la vie d'Edward n'est pas un un long fleuve tranquille : sa mère est maniaco-dépressive et le néglige ; le gamin est atteint de la maladie des Troubles Obsessionnels Compulsifs : ses stylos doivent être alignés dans un certain ordre sur sa table pour qu'il puisse se concentrer sur un travail ; pour son handicap, Edward est surnommé "Ed le Taré" par une bande de racaille qui lui pourrit sa scolarité depuis qu'il va à l'école.

Evidemment, Edward est tout sauf quelqu'un d'idiot mais c'est un adolescent très fragile et peu sûr de lui. Son univers déjà fragile s'écroule du jour au lendemain le jour où ses parents ont un accident de voiture : son père qu'il adulait à défaut de pouvoir aduler sa mère qu'il déteste, décède. C'est le début d'une descente en enfer et d'un thriller palpitant : sa mère sort soudain de sa dépression et devient une mère aimante, trop aimante : possessive. Les adultes en qui Edward avaient confiance disparaissent les uns après les autres mystérieusement. Edward voit rouge : pour lui sa mère est une tueuse ! Pourtant les psychiatres mettent les croyances d'Edward sur le trauma du décès de son père. Où est la vérité ? Edward est-il fou ? Sa mère est-t-elle vraiment cinglée ? Il faut dire qu'Edward, depuis la mort de son père, est devenu quelqu'un de violent,  ce qui ne l'aide pas à être pris au sérieux dans ses propos.

Jo Witek joue avec les nerfs du lecteur pendant longtemps avant que la vérité ne se fasse jour. J'ai longtemps douté sur ce que fait la mère d'Edward, selon les dires de ce dernier, on a du mal à y croire parce que c'est dingue (mais en même temps, on sait qu'il existe des mères qui tuent leurs enfants aussi et que la dépression peut engendrer des comportements déviants).
Et puis, au bout d'un moment, effectivement on se dit que la mère du gamin est complètement barrée (je ne dirai pas pourquoi, évidemment !). Pourtant, une grosse surprise attend le lecteur, une très grosse surprise (là non plus je ne peux pas dire laquelle !), révélée grâce à l'enquête de Garideau, une inspectrice de police qui fera tout pour réouvrir le dossier de l'accident des parents d'Edward. Et heureusement, celui-ci a aussi un ami, un vrai, un génie, qui fera jaillir la vérité.

J'ai vraiment adheré au suspense et dévoré ce bouquin. La chute de l'intrigue m'a vraiment surprise. Néanmoins j'oscille entre deux sentiments : c'est possible, mais tout de même, n'est-ce pas un peu invraisemblable ?

Mais à part cela, un roman réussi qui aborde la maltraitance enfantine, le choc post-traumatisme chez l'adolescent, la folie (où commence-t-elle, d'ailleurs ?), le harcèlement scolaire, la jalousie, l'injustice, la dépression. Le tout dans un milieu social favorisé et une banlieue  dite "chic".


 

 

23 août 2015

La neige noire

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A travers les mots de Marina Boraso

Barnabas Kane est un fermier du Donegal. Mais à seize ans, il était "employé sur les chantiers des gratte-ciel" de New York, alors en pleine explosion de construction immobilière. Il y rencontra sa femme, Eskra. Ils ont maintenant un fils, Billy, et vivent dans ce comté d'Ulster. Nous sommes dans les années 40, la guerre faire rage, la restriction est à l'oeuvre, la vie est dure. Pourtant, ce n'est presque rien à côté de ce qui va arriver à cette famille. Dès le début du roman, on sent une menace diffuse. La jument semble s'être blessée, Billy s'est coupé et Barnabas qui pioche la terre, ramasse un caillou qui ressemble au croc d'une bête archaïque. Et puis c'est le drame : la grange prend feu de façon inexplicable, un homme y trouve la mort : le vieux Matthew Peoples, un employé de Barnabas. Mais aussi toutes les vaches, seul bien de la famille sur cette terre aride et inhospitalière. Un sillage de feu qui ne va pas s'en tenir là et incendier le quotidien des Kane, en les consumant lentement à travers un récit hors normes.

C'est le premier roman que je lis de Paul Lynch et je ne suis pas encore tout à fait sûre de m'être remise de cette plume époustouflante qui vous laisse sans voix.  Le genre de livre, où, sonné après l'avoir refermé, vous vous demandez ce que vous allez bien pouvoir lire après ça.

L'Irlandais est amateur de longues phrases proustiennes, pour décrire l'austère Donegal, où la terre et les hommes sont liés comme d'un seul bloc, où le passé est ancré dans le présent, où les ossements font partie de la vie. Les personnages du village sont rudes et entourbés : d'"antique[s] faciès modelé[s] par la langue du vent et de la pluie. Sous le parchemin de [leur] peau, ce ne sont pas des os qui se devinent, mais du bois de tourbe, comme s'il[s] avai[en]t été engendré[s] par la mousse." Des êtres de pierre, d'os et de cendres. Des fantômes d'un autre temps, dont le plus menaçant ne cessera de répéter à Barnabas, en parlant des ruines des maisons de la Famine dont il a pris les pierres pour tenter de reconstruire sa grange : "Ces pierres, ce sont nos ossements". Pour lui, c'est un "vol [qui] ne peut entraîner [qu']une malédiction", car "prendre ces pierres, c'est profiter du malheur d'autrui. Elles font partie de la terre, ce sont nos antiques reliques qui doivent rester dans nos mémoires", rugira le vieux Goat Mclauglin. Barnabas, ahuri, expliquera que lui aussi il est menacé par la faim et que prendre ces pierres qui ne servent plus à personne, c'est sauver sa vie et celle de sa famille ! Rien à faire, on lui répondra de se méfier de la colline...
Les personnages de ce village sont complètement effrayants. Même la veuve du vieux Matthew Peoples ressemble à une sorcière qui jette des sorts, n'hésitant pas ravager sa chevelure mèche après mèche devant tout le monde, quand Eskra l'accuse d'être responsable de la mort de son chien, Cyclope, d'avoir massacré ses abeilles par une attaque de guêpes, d'avoir volé ses draps neufs pour remettre ceux cendrés par l'incendie, où on semble apercevoir le visage du vieux Matthew. Ces villageois d'un autre monde (d'un outre monde) en voudront à mort à la famille Kane : tous les prétextes sont bons pour ne pas les aider, ils leur reprocheront d'être des "faux pays" (des immigrés). La miséricorde de Dieu, c'est juste à la messe (mais il n'est jamais question de messe dans le roman), pas au quotidien. Un coup de scalpel de Paul Lynch sur l'hypocrisie de ces personnages monstrueux.

Un roman couleur de cendres où l'ancienneté du paysage, les montagnes semblables à des "créatures archaïques remuant dans leur sommeil, invent[en]t en rêve leur propre mythologie".

Paul Lynch réactualise avec un immense talent le roman gothique (qui n'a pu que me faire penser aux romans de Dermot Bolger, soit dit en passant !). La noirceur laisse parfois place à l'humour : quel délicieux moment de lecture ai-je eu avec l'anecdote du "beurre des tourbières" en tartine !
(Le beurre des tourbière existe bel et bien : c'est le beurre en baratte que les gens avaient mis dans la tourbe pour le conserver et qu'on a retrouvé des centaines d'années après dans la tourbière. On peut en voir dans les musées irlandais.)
Sans parler des cotes de boeufs qu'un villageois offrent avec insistance à Barnabas qui a vu toutes ses vaches carbonisés sur pied... Le lecteur rit jaune, comme le personnage. Je me suis aussi attachée aux animaux qui peuplent ce roman, au même titre que les humains, les larmes aux yeux pour Cyclope, le chien borgne des Kane.

La famille Kane n'est pas parfaite mais on les plaint d'autant d'accablements, de se heurter sans cesse à des murs d'incompréhension. Pourtant Paul Lynch ne fait de cette famille une famille modèle : Barnabas a fait une bêtise qui participe de sa perte sans en avoir touché mot à son épouse; Eskra est aussi le reflet de son mari;  Billy raconte sa vie d'ado dans un carnet et quelque chose que personne ne sait, sauf deux autres...
Un univers de personnages mystérieux. A ce titre, la fin révèle une surprise. Un livre où l'on ne s'ennuie pas une minute car Paul Lynch ménage du suspense.

J'ai fini ma lecture le coeur au bord des lèvres.

Un roman que je classe comme un immense coup de coeur et qui m'a fait découvrir un écrivain au talent hors du commun.

A lire absolument en cette rentrée littéraire !

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16 août 2015

Les tribulations d'une caissière

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4e de couverture : "Elle s’appelle Anna, elle a vingt-huit ans, un diplôme universitaire de littérature et huit ans d’expérience derrière une caisse de supermarché. Un métier peu propice aux échanges, ponctué de gestes automatiques…
Anna aurait pu se sentir devenir un robot si elle n’avait eu l’idée de raconter son travail, jour après jour.
Elle vous a vu passer à la caisse. Vous avez été des clients faciles ou des emmerdeurs, riches ou pauvres, complexés de la consommation ou frimeurs. Vous l’avez confondue avec une plante verte ou vous lui avez dit bonjour, vous avez trépigné à l’ouverture du magasin ou avez été l’habitué nonchalant des fermetures. Anna, vous l’avez draguée, méprisée, insultée.
Il ne se passe rien dans la vie d’une caissière ? Maintenant, prenez votre chariot et suivez Anna jusqu’à sa caisse."

En septembre dernier, je m'étais délectée avec Debout-Payé d'Armand Gauz, qui raconte les tribulations d'un vigile ivoirien à Paris. J'avais depuis un moment ce bouquin, issu d'un troc entre lectrice, qui en semble le pendant. A la recherche d'une lecture légère et rapide avant de partir en vacances, je me lance donc dans les tribulations d'une caissière.

Anna Sam est une blogueuse à qui il arrive quelque chose de peu banal alors qu'elle raconte par le biais de petites histoires la vie du supermarché : "(...) un jour, sans vraiment savoir pourquoi, un journaliste lui fait les honneurs de la presse régionale, un article qui va tout déclencher... Du blog perdu parmi des centaines de milliers d'autres, celui-ci va accrocher, intriguer, surprendre. Les médias vont s'en emparer et il va faire le tour de France puis du monde quelques semaines plus tard.
Le hasard de la vie a voulu que cette médiatisation coïncide avec la démission de la caissière qui, à ce moment-là, voulait tenter sa chance ailleurs.
Le hasard de la vie lui a ouvert une route dont la caissière avait seulement rêvé.
Le hasard de la vie lui a permis de rencontrer des éditeurs et de pouvoir transposer ses tickets de caisses virtuels en ticket de caisse sur papier."

Le but d'Anna Sam à travers son blog et son livre est de réhabiliter le métier de caissière (pour faire "chic", de nos jours, on dit "hôtesse de caisse"), de sensibiliser les clients des supermarchés à la femme-tronc à qui ils balancent leurs achats sur le tapis roulant en la prenant souvent pour une bonne à rien, ou tout simplement en oubliant qu'elle est là.
De plus, sa position à la caisse lui permet d'observer les clients. Son oeil de lynx ne rate rien, sa langue bien pendue non plus et sa plume fait le reste.

Anna Sam considère le lecteur comme quelq'un qui veut devenir caissière et lui prodigue ses conseils. Elle s'adresse à lui à la deuxième personne du pluriel.

Mon avis va être rapide : ce livre se lit bien, mais il est inégal. Par moment, j'ai ri mais par moments je suis restée de marbre devant des scènes qui se voulaient drôles. Rien à voir avec la plume de Gauz ! C'est peut-être ma lecture précédente qui a fait de l'ombre à Anna Sam. L'impression globale est finalement celle d'un livre un peu répétitif.
Le point positif est sans doute, qu'en raison de son succès, le livre a sensibilisé le grand public à l'être humain que personne ne voit et dont personne ne reconnaît le travail, mais qui pourrait être n'importe qui, de nos jours, dans une France en état de crise. 
Un livre qui a fait du bien aux caissiers et caissières, comme en témoigne les extraits de courrier de lecteurs à la fin de l'ouvrage.

Une belle intention, même si la qualité littéraire n'a pas été à la hauteur de mes attentes.

Anna Sam a écrit une suite à ce livre paru en 2008 : Conseil d'amie à la clientèle.

 

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2 août 2015

La face cachée de Margo

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A travers les mots de Catherine Gibert

Margo et Quentin habitent à Orlando, en Floride. Ils sont voisins depuis qu'ils sont enfants, fréquentent le même lycée, et c'est leur dernière année avant l'université. Leur premier temps fort a été la découverte d'un cadavre quand ils avaient neuf ans. Un moment qui est a marqué Quentin à vie parce qu'il a eu la trouille de sa vie. Margo a abordé ce tragique événement d'une manière beaucoup plus étrange. Margo et Quentin ont maintenant seize ans. Quentin en pince pour Margot qui est devenue un mythe à ses yeux : le mythe "Mar-go-Roth-Spie-gel-man". Mais si Margo aime bien Quentin, ça a l'air de s'arrêter là. Elle avait pour petit ami quelqu'un d'autre, mais pas de chance, il vient de la larguer. Furieuse, Margo décide de représailles et elle demande à Quentin de l'aider. Bonne pomme et fascinée par cette fille, il accepte. Une nuit d'aventure mémorable à travers la ville. D'autant plus mémorable que le lendemain, Margo disparaît. Quentin et ses meilleurs potes vont se lancer à sa recherche.

Voilà ma lecture blockbuster de l'été. Parce que je suis curieuse de savoir pourquoi John Green a tant de succès, qu'est-ce qui attire tant les ados dans ses romans? J'avais bien aimé Nos étoiles contraires (à un bémol près). Mais autant vous le dire tout de suite : je me suis plutôt ennuyée avec celui-ci. La vengeance de Margo est drôle et très imaginative (je me demande où l'auteur a été péché des idées pareilles!). Mais ensuite, le mystère "Margo" a fini par me peser. Ca tourne en rond pendant pas mal de pages avant que Quentin trouve un indice. J'ai trouvé l'héroïne assez détestable par son égoïsme et son estime de soi surdimensionée. Quentin est trop benêt à mes yeux. Ses amis finissent par lui dire, d'ailleurs, que Margo ne mérite peut-etre pas toute l'énergie qu'il investit pour la retrouver, ni les risques qu'il prend.
Seulement, Quentin idéalise Margo, il finit par s'en rendre compte et, au-delà de l'envie de la retrouver, il cherchera à savoir qui elle est vraiment.

Le roman aborde le thème de l'identité et du sentiment amoureux. De la face cachée que chacun a à l'intérieur de soi. Mais aussi de l'image qu'ont les autres de nous. De la part de fiction et de la réalité. Du fait qu'on tombe amoureux d'une image, d'un personnage qu'on se construit mais pas tout à fait de la personne réelle. Une quête initiatique qui fera grandir Quentin.
Tout cela aurait été certainement plus intéressant si le roman ne s'étirait pas en longueur, au milieu de considérations subalternes (comme les cuites des copains de Quentin, les "p'tits lots" qu'ils convoitent - comprendre : de jolies filles, expression assez étrange ! ).

Comme Margo est une reine de la fugue et du mystère égocentré , elle a laissé des indices, entre autres dans... un poème de Walt Whitman, dont elle a surligné des passages de différentes couleurs. Quentin lit et relit ce poème, se prend littéralement la tête et... le lecteur aussi, à force de répétition des lectures de Quentin, qui ne font pas avancer l'intrigue.

La seule chose qui m'a vraiment intéressée, ce sont les escapades des personnages dans des pseudotissements : des lotissements abandonnés. Les maisons hantées du XXIe siècle. Mais mieux que ça : il existe aux Etats-Unis des Villes de papiers (Paper Towns est d'ailleurs le titre original du roman). Les villes qui n'existent que sur la carte, comme Agloe, dans l'Etat de New York (sur la carte) : une ville "créée pour se protéger des plagiaires" ! Une manière de poser sa griffe. Sauf que tous les possesseurs d'une carte Esso se sont acharnés à vouloir trouver Agloe. Si bien qu'un jour quelqu'un a construit un magasin et qu'Agloe est devenue réalité - qui depuis est redevenue fiction...
Le personnage de Margo est à l'image de ces villes : une fille de papier.
Le roman aurait pu être beaucoup plus prenant si le lien entre les villes de papier et le personnage de Margo avait été plus recentré. Heureusement, il y a de l'humour parfois doublé d'un regard caustique sur la société de consommation : "L'avenue était bordée de milliers de boutiques qui vendent toutes la même chose : de la merde."
Autre point positif : les ados qui liront ce roman sauront à coup sûr qui est Walt Whitman, Emily Dickinson et Sylvia Plath.

Si vous ne le savez pas - mais à moins d'être un Martien comment ne pas le savoir ? - ce roman a été adapté au cinéma et sort prochainement.

 

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