Ultimes rituels
4e de couverture : "Quelles forces obscures Harald a-t-il troublées pour connaître un sort aussi horrible ? Ce jeune Allemand, venu en Islande pour étudier la chasse aux sorcières dans l'Europe médiévale, est retrouvé mort, les yeux arrachés, une rune étrange gravée sur le torse. La police suspecte un dealer, mais la famille d'Harald n'y croit pas. L'horreur du crime suggère un assassin moins évident, plus terrifiant..."
Tout d'abord un détail : ce livre arrive traduit en France d'après l'anglais et non l'islandais, la langue d'origine. Détail qui a son importance... d'autant que la structure de ce polar est assez calquée sur celle ses cousins anglo-saxons : ici l'Isande n'est pas un "personnage" (comme dans les romans policiers d'Arnaldur Indridason ou ceux d'Arni Thorarinsson) mais sert juste de décor. L'intrigue reste fortement ancrée dans le roman, l'économie et la société islandaises ne sont pas évoquées. Ici, pas question d'aller se balader dans les coins reculés de l'île glacée : hormis une ou deux brèves escapades pour les besoins de l'enquête, on reste dans la capitale, Rekjavik. Yrsa Sigurdardottir utilise à merveille la technique du page turner (une révélation à la fin d'un chapitre oblige le lecteur à tourner la page, avide de connaître la suite).
Cependant, l'originalité de ce polar est que l'enquête n'est pas menée par un inspecteur de police mais par une avocate, Thora, engagée par la riche famille allemande de la victime. En effet, leur fils Harald, ne peut pas, selon eux, avoir été assassiné par ce petit dealer d'Hugi, ce serait presque trop trivial, au regard de la personnalité à part de ce brillant étudiant en Histoire. "D'après ce qu'il disait, il comptait dans son mémoire comparer l'exécution au bûcher des sorcières en Islande et en Allemagne, sachant que la majorité des sorciers condamnés en Islande étaient des hommes, contrairement à ce qui s'étaient produit en Allemagne." Seulement voilà, il semble qu'Harald ait fait une découverte de taille, à la valeur inestimable...
D'un point de vue historique, on apprend un certain nombre de choses sur l'Islande du XVIe et XVIIe siècles. "L'un des principaux aspects du luthéranisme qui le [Harlad] fascinait était la chute généralisée du niveau de vie en Islande autour de 1550, particulièrement dans les couches les plus pauvres de la population. L'Eglise catholique avait conservé toute sa richesse et son patrimoine en Islande, mais avec la Réforme, tout était passé entre les mains du roi du Danemark, ce qui avait appauvri le pays." Si vous avez oublié ce qu'était le très sérieux Marteau des Sorcières, le livre le plus lu autrefois, avec la Bible, ici vous aurez une piqûre de rappel tout en apprenant que la chasse aux sorcières a été plus tardive en Islande que sur le continent... Thora et son homologue allemand, Mathew, vont devoir s'y plonger pour faire avancer l'enquête. Ils vous entraîneront jusqu'à Holmavik, au musée de la sorcellerie, qui détaille les pratiques et les croyances islandaises sur le sujet au XVIIe siècle. De même vous irez visiter les grottes occupées par des moines irlandais avant la colonisation danoise, d'après la légende...
Hormis ces enquêtes historiques passionnantes, les deux héros devront interroger la bande de copains "destroy" d'Harald, à qui on a envie de filer des claques à longueurs de pages car aussi menteurs que shootés... Les pistes se multiplient, le suspense monte mais la fin est... inattendue !
Une claque finale pour terminer un roman policier qui a su copier avec intelligence le modèle de ses aînés anglo-saxons pour mieux imprimer sa marque. On se laisse prendre au jeu. Un bon moment de lecture avec un Da Vinci Code à la sauce islandaise (sélection 2012 du prix du meilleur polar des lecteurs de Points, d'ailleurs).
Quelques personnages historiques ou légendaires croisés dans ce roman : Jon Arason, Brynjolfur Sveinsson et le lieu quasi-mythique de Skalholt, les moines islandais.