Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates
4e de couverture : "Tandis que Londres se relève douloureusement des drames de la Seconde Guerre mondiale, Juliet Ashton, jeune écrivain, compte ses admirateurs par milliers. Parmi eux, un certain Dawsey, habitant de l'île de Guernesey, qui évoque au hasard de son courrier l'existence d'un club de lecture au nom étranger : "Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates"... Passionnée par le destin de cette île coupée du monde, Juliet entame une correspondance intime avec les membres de cette communauté. Et découvre les myens fantaisistes grâce auxquels ces amis bibliophiles ont résisté à l'invasion et à la tragédie. Jusqu'au jour où, à son tour, elle se rend à Guernesey. Pour Juliet, la page d'un nouveau roman vient de s'ouvrir, peut-être celle d'une nouvelle vie..."
La quatrième de couverture est légèrement trompeuse : Juliet n'est pas contactée parce que Dawsey est un de ses admirateurs mais parce qu'il a trouvé un vieux livre qui lui a jadis appartenu (il le sait parce qu'il a trouvé son nom dessus), Les essais d'Elia, morceaux choisis de Charles Lamb. Sur ce livre, il y avait le nom et l'adresse de Juliet. (p.19). Il lui explique qu'il adore cet évricain mais qu'il n'y a aucune librairie à Guernesey. Il lui demande, si elle pourrait lui donner le nom d'une d'entre elle à Londres car il souhaite lire d'autre livres de son écrivain préféré. Tout commence ainsi et une belle amitié se lie entre ces deux êtres.
Ensuite, le nom du cercle littéraire tel qu'il est nommé dans ce roman traduit est Le cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates. (titre vo : The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society)
Bref...
A vrai dire, j'ai hésité à faire paraître ce billet dans le cadre du Mois anglais, parce que les deux auteurs de ce roman ne sont pas anglaises mais américaines et que l'action se déroule en grande partie sur l'île de Guernesey. Mais ce livre est pétri de culture so english et j'ai souvent eu l'impression d'avoir sous les yeux une lecture victorienne (heureusement que le fond historique de fin de Seconde Guerre mondiale était là pour me désillusionner), avec également un gros clin d'oeil à Agatha Christie !! J'ai vraiment bien ri, parce qu'en plus c'est fait avec beaucoup d'humour !
Ce qui est également excellent, c'est que Juliet est biographe d'Anne Brontë, et ça va sans dire qu'elle évoque souvent les trois soeurs dans ses lettres, ce qui provoque l'admiration d'Isola, l'une de ses correspondantes de Guernesey, qui a aussi pour référence littéraire Jane Austen.
"J'aime les histoires de rencontres passionnées. N'en ayant jamais vécu moi-même, je peux à présent m'en faire une idée. Au début, je n'ai pas aimé Les hauts de Hurlevents, mais à la minute où le spectre de Cathy s'est mis à gratter à la vitre de ses doigts osseux, j'ai senti ma gorge se nouer, et le noeud ne m'a pas relâché avant la fin du livre. J'avais l'impression d'entendre les sanglots déchirants d'Heathcliff à travers la lande. Je ne crois pas avoir lu un auteur d'aussi grand talent d'Emily Brontë".
Comme un écho à cette histoire victorienne d'amour tragique, Juliet va en découvrir une tout aussi dramatique, bien ancrée dans son époque et se lancer à la recherche de son fantôme, qui sera l'objet de son prochain roman.
Pour l'histoire, il est difficile d'en parler sans dévoiler l'essentiel. Je me contenterai donc de dire qu'elle est très savoureuse ! Sur un fond historique tragique, Mary Ann Shaffer et Annie Barrows parviennent à distraire énormément le lecteur et à aller au-delà des a priori (les Allemands n'étaient pas tous des nazis, même les soldats envoyés sur l'île, juste des hommes pris dans les tourments de l'Histoire).
Ce roman est aussi un bel hommage aux livres et à la lecture avec d'innombrables clins d'oeil ! Si je vous dis, qu'on y rencontre aussi notre sacré coquin d'Oscar Wilde, je ne sais pas trop si vous allez me croire ! Et encore moins, si je vous dis que Juliet se trouve un bien embarassant et obscur prétendant (du nom de Mark Reynolds) spécialiste de Wilkie Collins, qui lui apprend que ce cher Wilkie "entreten[ait] deux foyers avec deux maîtresses et deux nichées d'enfants" (rhooo !!).
Franchement, je me suis régalée !!!
Pour les âmes sensibles, je précise tout de même que ce roman a une fin toute américaine parce qu'il finit... bien. Un peu trop d'ailleurs, mais c'est sans doute le seul tout petit reproche qu'on peut lui faire.
dans le cadre du Mois anglais, organisé par Titine, Cyrssilda et Lou